Attention, chaud devant ! Voici la frontière, la limite, le carrefour ; à partir de cet album, tout change pour Pantera. Exit Terry Glaze, et bienvenue à celui qui deviendra le frontman iconique du quartet, Phil Anselmo... Et voilà ! Cela peut paraître sommaire, mais en effet, l'arrivée de Phil bouleverse la musique de Pantera. Il est l'élément qui, combiné au talent du trio déjà existant, va propulser le combo loin, toujours plus loin. Son timbre éraillé, qui hésite toutefois encore à s'affirmer et reste plutôt haut perché, contribue à souligner le durcissement du ton. "Power Metal", dont le titre fut honteusement récupéré par une branche musicale radicalement différente, n'est pas un disque de glam. C'est (enfin !) un vrai disque de heavy, carré, bourrin, sauvage, ambitieux et innovant.
Visiblement ravi, Darrell passe la seconde : du riff de "Power Metal", hymne thrash en diable, à ceux du vénéneux "Over And Out", il lâche tout ce qu'il a dans une furie guitaristique éblouissante. Nous sommes encore loin, bien sûr, des prouesses qui firent de lui un guitar hero, mais nous savons, nous sentons à l'écoute qu'il sait où il va, et que ses influences, digérées, n'alourdiront plus son jeu. Le frangin n'est pas en reste, et y va joyeusement de la double pédale, entre deux breaks jouissifs, soutenu par un Rex redevenu Brown avec lequel une communion du groove est en passe de s'établir pour de bon, comme le prouve la rythmique décapante de "Death Trap".
Les derniers relents de glam sont à chercher du côté de "Hard Ride", un tube en forme de power ballade avant l'heure. Une vraie petite pépite, à l'écriture lumineuse, et à l'efficacité incontestable. Darrell montre ici qu'il n'est pas qu'un shredder et que son art peut aussi s'exprimer dans un registre – relativement – plus calme. Les férus de thrash cracheront dans la soupe, mais les amateurs, comme moi, de mélodies entêtantes et de refrains que l'on ne peut que chantonner en tapant du pied, seront aux anges. A noter aussi la présence de "Down Below", issue de l'album précédent, qui est ici reprise avec Phil et qui bénéficie d'un son bien meilleur.
Le son, parlons-en : cette fois, le groupe tout entier co-produit l'album avec le père Abbott, pour un résultat encore amateur, manquant cruellement de profondeur, mais qui explose clairement la bouillie fadasse des réalisations précédentes. Et n'oublions pas la participation essentielle de Marc Ferrari, auteur de "Proud To Be Loud" avec son groupe Keel, qui prête son morceau et ses idées sonores à la bande, pour aider à parfaire un ensemble déjà réjouissant.
Avec "Power Metal", la messe est (presque) dite. Le line-up est là, et avec lui, le talent et une ambition pas si démesurée que ça : devenir calife à la place du calife. En 1988, le thrash commence déjà à s'essouffler après presque dix ans d'hégémonie furibarde, et sans le savoir, Pantera prendra la relève. Le groupe continuera à galérer un peu plus d'un an, écumant les bars et clubs du Grand Sud, développant son jeu de scène et son appétit pour l'excès, jusqu'à ce qu'un beau jour, un responsable A&R (Artists & Repertoire) de chez Atlantic Records ait la bonne idée de se trouver dans la même boîte que le quatuor, un soir de tempête... La suite fait désormais partie de l'histoire du métal.