Quelle est la question que l'on t'a trop souvent posée ?
Warren Haynes : Je ne dirais pas trop souvent mais le plus souvent ce serait "pourquoi t'es tu mis à jouer de la musique". C'est important mais bon…
Nous ne te poserons donc pas cette question à laquelle je crois que l'on peut trouver la réponse sur Wikipedia mais passons plutôt à ton actualité. Tu jouais hier soir à Paris, au Trianon, comment cela s'est il passé ?
J'y ai pris beaucoup de plaisir.
Le show a-t-il été enregistré et sera-t-il dispo en téléchargement ?
Oui bien entendu comme chacun de nos concerts depuis 2004.
Hier soir, tu as joué cette chanson écrite pour ton ami Joe Bonamassa. C'est un très beau classique du Blues, peux-tu nous en dire plus sur ce titre ?
Nous avons composé 'If Heartaches Were Nikels' il y a longtemps déjà mais ce doit être la troisième fois que nous l'interprétons sur scène. La première fois que je l'ai jouée live, c'est la fois où j'ai rejoint Joe sur scène. J'ai ensuite pensé à l'intégrer aux sets de Gov't Mule et la décision n'est tombée que récemment.
Avec le recul, d'où vient cette idée d'enregistrer chacune de vos performances live ?
Cela fait désormais partie de nos habitudes. C'est un choix que nous avons fait d'offrir à chaque fan un enregistrement du show auquel ils ont assistés. C'est vrai que certains fans préférèrent leur enregistrement mais nous avons le notre à leur proposer et le son est plutôt bon donc… Bien sur il y a des soirs un peu foireux, des sets avec des ratés, mais c'est ainsi, nous aimons cette idée et nous y sommes habitués. Il n'y a pas de pression sur scène pour autant.
"Enregistrer chacune de nos performances live et les partager fait partie de nos habitudes"
Cela vient confirmer que votre relation avec le public est primordiale.
Oui et puis tu sais, ce que nous appelons les 'Mule Tracks' ne fonctionnent pas pour un groupe qui viendrait à jouer le même show chaque soir. Cela fonctionne car nous changeons la setlist à chaque concert. Par exemple, le show d'hier soir était totalement différent de celui joué il y a un an au même endroit. Et notre public nous encourage dans cette voie, à expérimenter et improviser en concert.
Je comprends le fait que tu changes la setlist très souvent mais en même temps quel travail pour vous ! Cela n'est-il pas lourd à gérer
Si c'est parfois un peu difficile car certains titres sont restés dans les placards assez longtemps mais nous aimons cela car nous gardons toujours une approche très fraiche de nos titres. Il n'y a pas de place pour la routine et le même titre sonnera toujours différemment.
Et pour revenir au public, leurs encouragements nous poussent au-delà de nos limites et nous ne garderions pas cette fraicheur sans lui ! Et c'est pour cela que c'est si difficile en studio, car il n'y a pas de public pour nous pousser. Ce n'est pas seulement un effet de foule, mais une réelle connexion entre eux et nous.
Et puisque l'on parle de studio, "Shout", votre nouvel album, mêle avec brio tous les ingrédients de Gov't Mule comme le Rock, le Blues, le Funk, le RN'B, le Reggae… Quelle est la recette qui permet de mélanger tout cela en sonnant si naturel ?
Nous aimons toutes ces musiques et graduellement, nous les incorporons dans notre jeu. Parfois nous composons quelque chose d'assez éloigné de notre son, c'est arrivé sur de nombreux titres déjà comme sur 'Funny Little Tradgedy'. Ce titre était très proche de ce que pouvait faire The Clash mais arrivé en studio, nous avons essayé de l'approcher le plus possible de Govt Mule. Le but est d'insuffler notre propre personnalité dans notre musique. Si ça marche, tant mieux, si ça rate, comme cela arrive parfois, alors on laisse tomber, tout simplement.
Dans la version spéciale de ce nouvel album, il y a un second cd dans lequel chaque titre est chanté par un invité. D'où vient cette idée ?
C'est venu très graduellement. Au départ nous n'avions pas l'idée en tête. Elle est en fait apparue avec trois titres en particulier, 'Funny Little Tradgedy', 'Stoop So Low' et 'Scared To Live'. En réécoutant la première j'ai pensé à Elvis Costello. Nous nous connaissons depuis peu et depuis nous avons passé du temps ensemble en Australie et à New York. Je lui ai envoyé un mail lui disant qu'un de nos titres était proche de son univers et lui demandait des conseils quant à l'enregistrement de mes vocaux. Il m'a conseillé un micro très basique et le résultat était super. J'ai donc pensé que j'aimerai bien entendre sa voix sur un ou deux couplets par exemple.
Puis avec 'Scared to Live' c'est à Toots and The Maytalls que je pensais en écoutant le passage final. Et comme il m'avait demandé de chanter sur un de ses derniers albums, cela commençait à avoir du sens.
Enfin, avec 'Stoop So Low', écrite en hommage à Sly and The Familiy Stone, j'ai pensé à Dr. John avec qui nous devions partager la scène le mois suivant.
L'idée a donc germée d'avoir un chanteur différent sur chaque titre mais comme les duos ne font pas très Rock N'Roll, j'ai donc pensé à cet album bonus et fait une liste des gens que je souhaitais entendre. Et comme moi je ne chante que des titres avec lesquels je me sens en connexion, j'ai demandé la même chose à chaque invité, sans leur mettre aucune pression. Ils avaient le choix d'accepter ou de refuser. Avec Ben Harper par exemple ou Elvis Costello, nous étions ensemble en studio... Par contre certains ont fait leur truc dans leur coin.
N'as-tu pas peur que ce cd bonus ne devienne plus populaire que l'original ?
C'est possible mais je pense que ces deux albums donneront deux fois plus d'occasion de découvrir et d'écouter ces titres. Le fan aura deux interprétations différentes du même titre. Je suis un grand fan de chaque chanteur invité ici et n'ai donc aucune malveillance envers leur interprétation personnelle.
Et que dirais-tu à ceux qui pensent que cet album bonus avec des noms célèbres et racoleurs est un coup commercial ?
Nous avons bien pensé aux avantages et inconvénients de ce procédé. Si de nouveaux fans arrivent par le biais de ce cd bonus car ils aiment tel ou tel chanteur, c'est parfait pour nous. Si à l'inverse nos fans découvrent la discographie d'un invité par ce biais, c'est très bien aussi. Quoi qu'il en ressorte, ce sera positif pour chacun.
Est-ce que tu gères tes performances avec Gov't Mule de la même façon que celles avec The Allman Brothers Band ?
A la base oui car les deux shows fonctionnent en deux parties avec une pause au milieu et que c'est toujours moi qui établit les setlist pour chacune des formations. Les changements sont moins importants dans Allmans Brothers car leur répertoire est un peu plus petit. Par exemple après 11 shows nous avons à peu près joués 100 titres différents.
Vous êtes si populaires aux Etats Unis que vous avez joué à la Maison Blanche avec des artistes comme Mick Jagger, BB King, Buddy Guy et même Barrack Obama. Comment vis tu cette popularité ?
C'est super d'être reconnu par des gens que tu respectes. Quand on choisit d'ignorer la voie commerciale en passant par le long chemin de l'underground la reconnaissance fait vraiment plaisir.
Te considères-tu toi-même comme une légende musicale ?
Non (Rires) car dans mon cœur je suis trop jeune pour cela. J'ai eu la chance de jouer sur scène avec BB King mais je ne me verrais jamais à la place d'un gars comme lui. Maintenant si un plus jeune me regarde de cette façon, c'est super ! Mais je ne me mettrais jamais dans cette position car mes légendes sont trop importantes à mes yeux, et que sans elles je ne serais pas là !
Tu disais avoir choisi des voies underground par moment mais comment expliques-tu ta popularité aux Etats Unis ? Et comment expliques tu qu'avec ton groupe elle est moindre en Europe ?
Je pense qu'il y a eu un virage en 1999 quand les Allman Brothers se sont reformés. C'était l'anniversaire de nos 20 ans et personne ne savait ce qui allait se passer ensuite. Les albums précédents, qui dataient de 1979 et 1981 n'avaient pas été très bien reçus et nous sommes pourtant parvenus à remettre le groupe sur des rails aussi stables qu'à ses débuts. Le public y est pour beaucoup.
Les Grateful Dead et Stevie Ray Vaughan étaient très bons dans ce qu'ils faisaient et nous étions un peu entre les deux, nous avons alors décidé de revenir dans la course. Govt Mule est arrivé de la même manière. Mon avis tout personnel est que les Allman Brothers n'ont pas misé assez sur l'Europe. Nous n'y avons joué que très peu et c'est ce que j'essaye de rattraper avec Gov't Mule.
"J’aime tellement 'Hittin' The Next Note' qu’il m'est difficile d’en commencer un autre de peur de faire moins bien…"
En même temps votre dernier album avec les Allman Brothers, "Hittin' The Note" a été bien reçus et nombreux attendent le suivant..
"Hittin' The Next Note" ? (Rires). Oui cela se pourrait bien car nous avons 5 à 6 titres terminés. Nous sommes tous sur des projets solo donc nous avons peu de temps à consacrer au Allman Brothers mais ça avance… et pour être honnête, j’aime tellement cet album qu’il m'est difficile d’en commencer un autre de peur de faire moins bien…
Les questions traditionnelles maintenant, quels sont tes meilleurs souvenirs en tant qu'artiste?
Il y en a beaucoup et je suis chanceux. Jouer à la Maison Blanche par exemple fut un superbe souvenir, Woodstock en 1974, mon parcours avec les Allmans Brothers bien entendu même si je ne suis officiellement arrivé qu'en 1989 quand le plus gros du travail avait été fait par les membres originaux du groupe. Jouer avec John Paul Jones à Bonnaroo en 2007, "The Deepest End Concert" qui est sorti en DVD fût une nuit très spéciale également, jouer avec Dave Matthews à Central Park. C'est un plaisir que de pouvoir regarder en arrière et se dire que l'on a vécu autant de choses positives et inspirantes.
Au contraire quel pourrait être le pire souvenir ?
Certainement quand j'étais sur un DVD qui devait s'intituler "Stax Comes Home" qui célébrait la réunion de tous les artistes signés chez Stax. J'ai été invité à jouer comme guest et j'étais comme choqué durant toute la prestation car le micro m'envoyait des joutes très douloureuses et je n'ai pas pu ajouter ma performance sur le DVD car dès que je m'approchais du micro pour chanter je flippais. On me voyait regarder sur le côté vers Al Green en me disant "Qu'est-ce qu'il se passe !?" Ce fut une sorte de mauvais rêve !
Nous avons débuté par la question que l'on t'a trop souvent posée, quelle serait à l'inverse la question que tu aimerais que l'on te pose ?
Parfois les gens me demandent s'il fallait choisir entre jouer de la guitare ou chanter, qu'est-ce que je choisirais ? C'est un peu comme si on me demandait quel doigt préférerais-tu que l'on te coupe ? L'avantage c'est qu'en étant chanteur, guitariste et compositeur, si un jour je me sens pas terrible dans l'un de ces rôle, j'ai toujours les deux autres pour me rassurer.
Un dernier mot, en français peut être, pour vos fans et les lecteurs ?
C'est un plaisir de voir notre public grandir dans votre pays. Nous ne savions pas si nous allions débarquer face à 5 fans ou deux mille fans. Chaque show renvoie le plaisir que nous recevons de votre part.
Merci
Merci pour cette interview vraiment intéressante...
Et merci à Mr Blue pour cette retranscription...