Bonjour Billy, c'est un grand honneur d'avoir la possibilité de rencontrer un musicien considéré comme une légende (5 fois élu meilleur bassiste par Guitar Player Magazine). Première question, te considères-tu comme une légende ?
Billy Sheehan : (Ferme) Non ! Je suis juste un bassiste. Je continue d'apprendre, et j'ai encore beaucoup à apprendre, oh oui ! J'ai plus à apprendre que ce que je sais déjà. Chaque jour j'apprends de nouvelles choses, je travaille dure au quotidien, découvrant de nouvelles choses, jouant beaucoup et améliorant ce que je sais déjà faire. Je ne prends pas le temps de penser à qui je suis ou qui j'ai été mais où là où je veux aller.
Et c'est une sorte de philosophie au quotidien ou bien cette attitude est venue à force de pratique ?
Chaque jour tu apprends quelque chose de nouveau, quelque soit le sujet, le jeu de basse et toutes les autres choses. Donc oui, c'est plus une philosophie de vie. A chaque fois que je prends mon instrument je découvre de nouvelles choses. C'est une aventure sans fin et c'est très bien comme ça. Ce serait dommage de voir un point final à cette progression en se disant : "c'est fini !".
Vous allez donner ce soir un concert en France, au Bataclan. Comment te sens-tu quelques heures avant d'entrer en scène ? Ressens-tu encore une sorte de peur ?
Je n'ai jamais ressentis de la peur, juste de l'excitation, de la satisfaction de monter sur scène et de jouer. C'est un lieu très confortable pour moi.
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Tu sembles naturellement relaxé et détendu, à la vie comme à la scène.
Tu sais c'est une question d'habitude, j'y ai déjà consacré tellement de temps, des milliers de show, et bien plus de répétitions et d'enregistrements en studio que je peux me permettre aujourd'hui de l'appréhender avec décontraction. Je sais ce que je dois faire et comment le faire. Parfois, tu dois monter sur scène et ta voix n'est pas au mieux ou le son n'est pas au top, mais une fois sur scène, tu trouves le moyen d'assurer le show. Parfois au milieu d'un solo de basse, un problème survient mais j'ai toujours une issue dans un sens ou un autre. Je joue depuis tellement longtemps que je parviens toujours à m'en tirer. Je pense avoir un large vocabulaire d'options dans ces moments là. Quand je parle en public, à propos de la basse ou de musique, je parle de ce que je connais vraiment et suis confiant.
L'album "What If..." évoque la réunion du fameux Mr.Big. Comment te sens-tu maintenant que tu travailles, joue et chante de nouveau sur la même scène que Paul Gilbert et Eric Martin ?
C'est agréable ! Nous avons eu un très grand succès avec Mr. Big et avons passé de merveilleux moments ensemble. Et la première chose que nous avons évoquée lors de ces retrouvailles étaient les vieux jours, et nous en avons bien ri de nouveau. Et maintenant, dix ans plus tard, une nouvelle histoire recommence.
Et quelle peut-être la différence entre le Bataclan il y a dix ans et le Bataclan ce soir ?
Oh nous avons tous évolués, beaucoup, en tant que personnes, musiciens, compositeurs, "performers"… Certaines personnes restent les mêmes, nous avons heureusement avancés. Il faut évoluer, toujours. Comme cela, quand on se retourne, qu'on regarde derrière, en gardant un axe de progression bien sûr, on peut comparer les choses et mesurer l'évolution, et les fans le ressentent. Si nous ajoutons à cela le plaisir de se retrouver après une longue absence, de se retrouver face à face, c'est que du bonheur. Franchement j'aime ce que je fais.
Ressens-tu la magie qu'il pouvait y avoir au tout début de la carrière de Mr. Big ?
Cela et plus encore. Car au début, nous ne nous connaissions pas si bien que cela. Aujourd'hui, un show est bien plus riche émotionnellement du fait que nous avons appris à nous connaitre. Désormais, nous sommes des musiciens conscients de ce qu'il faut faire pour rester un groupe et assurer le bon fonctionnement quelque soit la situation, que cela soit sur scène, hors scène et entre deux. Un problème survient, nous savons y remédier (Sourire).
Il me semble te voir ce soir très heureux de cette réunion et d'une certaine façon, peut-on dire que cette ambiance t'a manqué durant ta carrière solo ?
Oh oui bien sûr ! Quelque soit les personnes avec lesquelles j'ai joué durant cet intervalle, aussi agréable que cela fut, j'avais envie de proposer d'autres chansons avec Mr. Big. Nous avons fait aussi un retour avec mon propre groupe Talas, dans lequel j'ai de bons amis qui me manque beaucoup, j'ai joué avec Steve Vai que j'ai encore rencontré il y a peu… Ils sont tous mes amis et je compte bien rejouer aussi avec eux un jour. Et de la même façon Mr. Big m'a manqué.
Quelle est la réaction, la réception du public durant ces shows, sont-ils enthousiastes face aux nouvelles compos de "What If..." ?
Non, car ils ne les connaissent pas aussi bien que celles qui ont 20 ans, mais presque tout le public participe et chante durant ces titres et la réponse est très positive. En Amérique du Sud par exemple, le public chantait toutes les nouvelles chansons et aux USA, ils nous ont même réclamés plus de nouvelles chansons ce qui est assez rare. Ce n 'était pas juste : "Jouez les tubes, jouez les tubes !".
Sur le premier album de Mr.Big, il semble que le groupe était construit autour de la virtuosité de Paul Gilbert et toi. Es-tu d'accord avec ça ?
Non, il était construit sur l'habilité de jouer en live, bien plus que sur la virtuosité. Le chant d'Eric et de Pat, notre façon de jouer à chacun, fait ressortir ce côté positif de la prestation live. Et puis ce premier album contient beaucoup de bonnes chansons et une quantité de chant et de chœurs. Nous avons une partie de nos fans qui sont des accros de la guitare et de la technique -et qui souvent nous suivent en dehors du groupe, dans nos projets parallèles- mais la spécificité de Mr.Big c'est d'écrire et jouer des chansons avec ce côté "performers" et nous nous centrons là-dessus. C'est une bonne chose, pour nous comme pour les fans, de différencier les deux. Dans Mr. Big nous voulons surtout jouer des titres avec ces bases de blues comme nous groupes favoris que sont Free, Led Zeppelin, The Who, avec lesquels nous avons grandi. Après, la virtuosité ressort le temps de quelques soli. Paul et moi pourrions jouer des solos durant des années mais nous nous centrons ici sur autre chose.
Je te rejoins, les performances vocales sont très importantes dans le groupe, la popularité de Mr. Big s'est construite sur des chansons et…
Tout à fait ! Très personnellement, je n'ai pas envie de m'asseoir et d'écouter un album instrumental. Parfois sur un CD, j'entends dès le début jouer un guitariste, j'apprécie mais très vite et je me dis, "Est-ce qu'il y a du chant la dessus ?". Par exemple Jeff Beck, je préfère largement quand un chant se pose sur sa musique, j'écoute très rarement des albums purement instrumentaux, concernant la guitare bien sur.
Donc par exemple l'album "Passion And Warfare" de Vai n'est pas un album que tu prends plaisir à écouter ?
Je ne le connais pas, je ne le possède même pas. J'aime Steve et certaines de ses chansons comme "Whispering A Prayer", "For The Love Of God". "Blue Powder" est un autre très beau morceau, mais les instrumentaux ne sont définitivement pas en tête de liste de mes chansons favorites. Si je devais citer les albums que j'aime écouter je te dirais plutôt "Smokin'" d'Humble Pie, un album de Bad Company, où d'AC/DC, de Judas Priest, voire de Frank Sinatra, ou dans un style plus classique Paco De Lucia voire un compositeur de chez vous, Debussy. Debussy est très représenté chez moi à la maison. Tu sais, nous avons un chargeur six CD, et actuellement, si deux places sont réservées à des artistes que ma femme écoute et dont j'ai oublié le nom, les quatre autres sont rempli d'album de Debussy. Mais pour revenir à ta question, j'aime les instrumentaux mais plus vraiment ceux où il n'y a que de la guitare électrique. Mais Steve (NdStruck : Vai) est vraiment parvenu à faire quelque chose de nouveau dans le monde de la guitare, que tout le monde à chercher à copier ensuite… ses fringues, son jeu, son son, ses gimmicks, je trouve ça dommage pour Steve.
On peut dire aussi que Steve à lui-même suivi la route de Joe Satriani…
(Coupant presque la parole) Non ! C'est Joe Satriani qui a pris la même voie que Steve (Rires). Steve a innové en premier. Ils font le même genre de musique, ont la même guitare Ibanez… Joe essaye de faire croire le contraire mais c'est définitivement Steve qui a innové, et Joe qui a suivi.
Est-ce que le succès de "What If" implique déjà un futur album de Mr. Big ?
Je ne sais pas du tout ! Nous n'en avons même pas discuté entre nous, pas jusque maintenant. Tout comme lors de notre réunion en 2009. Nous avions alors planifié une tournée mais sans évoquer un futur album, nous voulions juste tourner. Là nous terminons la tournée en Décembre, en Indonésie, un endroit superbe où nous avons passé des moments fantastiques, après nous verrons bien…
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Est-ce que la reformation de Mr. Big signifie la fin de ta carrière solo ?
Non, ni pour moi ni pour les autres membres du groupe. Nous avons tous des projets parallèles et faisons nos propres disques Paul, Pat, Eric et moi, et c'est ce qui est agréable ! Nous réintroduisons dans nos albums solo ce que le nouvel album de Mr. Big nous a apporté et ce que nous ferons sur nos prochains albums solo ouvrira des horizons pour un futur album de Mr. Big. J'aime cette idée de pouvoir faire plusieurs choses qui évoluent en même temps, qui s'enrichissent mutuellement. Auparavant, un gars était dans un groupe et y restait, pour toujours, heureusement les choses changent.
Un album pourrait-il résulter de la tournée BX3 ?
Nous avons bien essayé mais nous n'avons pas le temps. BX3 redonnera quelques shows après l'Indonésie et peut être alors nous évoquerons la mise en boite d'un album, le planifier, nous verrons bien.
Tu as déjà joué avec des guitaristes réputés comme les meilleurs au monde. Est-ce que c'est parce que tu as commencé en jouant de la guitare et que tu ne veux jouer qu’avec les meilleurs ?
Non (Sourire) ! La plupart de mes premières influences ne comportaient pas tant de guitare, en dehors de Hendrix bien sûr. La preuve est que mes groupes BX3 ou Niacin n'en comportent pas. Non, j'ai plus souvent un œil sur les batteurs. En tant que bassiste, j'ai bien plus de lien et d'attrait pour les batteurs que pour les guitaristes. Un guitariste aura beau jouer ce qu'il veut, la basse et la batterie sont indispensables dans un groupe de musique (Rires). Mais c'est vrai que j'ai joué un peu de guitare acoustique avant de posséder ma première basse.
Justement, tu as joué quelques parties de guitare sur "Cosmic Troubadour", est-ce que ton approche de cet instrument est différente de ton approche de la basse ?
Oui, très différente. Mon jeu de basse est très différent de mon jeu de guitare. Ce que je fais à la basse, je ne peux pas le faire à la guitare, mon jeu rapide, sonore, parfois distordu par exemple.
Pourquoi ?
Car mes doigts se sont habitués à la basse, à ses cordes plus grosses, aux emplacements des frets etc... Même s'il y a des similarités entre les deux instruments, ce sont bien deux instruments très différents et c'est important de les différencier. Je joue de la guitare comme des milliers de guitaristes. Je dirais que mon jeu s'approche un peu de celui de Neil Young, surtout dans mes soli, mais avec la basse, je sais que j'apporte quelque chose d'assez différent du reste.
Quelle est la question que l'on t'a trop souvent posée ?
(Sans hésiter) "Quels sont mes influences !". D'ailleurs quand un journaliste me demande s'il y a une question interdite, je réponds souvent celle-ci.
Et au contraire, quelle est la question que tu aimerais que les lecteurs te posent ?
Eh bien… "Qu'est-ce qui est important dans le fait de jouer dans un groupe, d'être musicien… quelle est la chose que tu dois avoir, ou savoir plus que tout ?"
Quelle est ta réponse ?
Elle pourrait paraitre simple mais en fait, non. Tu dois connaitre la musique. Je ne parle pas de connaitre les notes ou d'expliquer les théories musicales mais tu dois être capable d'emmagasiner un tas de chansons et de les avoir en tête. Je connais par exemple des milliers de chansons dans ma tête et si tu me donne une basse, je pourrais en jouer pendant des heures et des heures. Les Beach Boys, Humble Pie, Spooky Tooth, les Beatles, et je pourrais en faire une longue liste. Ce serait comme faire une compilation de toutes les choses que j'ai pu jouer dans ma vie et ce serait difficile car j'ai joué dans beaucoup de groupes. C'est important de connaitre la musique et de l'aimer car si tu aimes ce que tu fais, tu ne prendras jamais ça comme un travail, pas un seul jour dans ta vie.
Quel est ton meilleur souvenir en tant que musicien ?
Parfois on garde le souvenir de choses simples, pas très importante. Tiens, prends hier soir par exemple, nous étions de sortie après le show de Londres, nous échangions avec quelques fans et amis, et une fille s'est approchée de moi et m'a dit : "Je vous ai vu avec Aerosmith au Royal Albert Hall il ya quelques années" et nous a expliqué ce qu'elle a ressenti ce soir là et comment nous avions changé sa vie. Et là c'est incroyable ! Je me lève tout les matins, je fais ce que j'aime et je me rends compte que cela touche les gens au point de changer quelque chose dans leur vie. C'est incroyable ! Je reçois des mails de gens… un jeune m'a envoyé un mail l'autre jour me disant qu'un ami à lui s'était suicidé et qu'en mourant, il avait gardé contre lui un de mes onglets car c'était, selon lui, ce qu'il possédait de plus cher. D'autres me disent qu'ils sont soldats en guerre, ou qu'ils souffrent d'un cancer ou d'une autre maladie grave et que ma musique leur apporte la force le courage, c'est incroyable !
Tu dois être fier de cela.
Eh bien, plutôt très content. Je ne considère pas ce que je fais comme… en fait tout ce que j'offre résulte d'un gros travail, de beaucoup de travail et non d'un talent naturel. J'y travaille constamment. Je ne prends pas ma basse et soudain : "Whaou c'est génial ! " (Rires). C'est un gros effort ! Et je suis content que mes efforts paient, en améliorant la vie de quelqu'un par exemple.
Nous parlions tout à l'heure de ton meilleur souvenir et au contraire, quel serait ton pire souvenir ?
Je me souviens, il y a quelques années, je ne mentionnerai pas de nom, mais je tournais avec un groupe et je m'y ennuyais car je n'aimais pas la musique que je jouais et n'étais pas à l'aise avec ce groupe. Mais je le faisais malgré tout plutôt que de me lamenter sur mon choix. Et je me souviens être monté sur scène lors du dernier show en me disant : "C'est peut être le dernier show que je ferais de ma vie". Je n'y prenais aucun plaisir et même si le gars était sympa, je n'en tirais aucun bénéfice. Et je me souviens de ce jour, cela devais être… (Il réfléchit) et bien, en France je crois, mais j'ai oublié la ville. Nous jouions dans une école et il y avait plein de marche à monter pour se rendre dans les loges et à chaque fois que j'oubliais quelque chose, il fallait tout redescendre puis tout remonter. C'était la fin de la tournée et j'étais épuisé, courbaturé. J'en avais assez de la musique et je me suis dit, peut être je ne jouerais plus jamais. Mais Dieu merci, cela n'a pas été le cas.
Avec l'expérience, quelles sont les choses que tu as fais dans ta carrière et que tu ne referais plus ?
Je ne ferais plus les mêmes choses aussi longtemps sans chercher à évoluer. Surtout dans mes premières années de carrière. J'étais alors dans un groupe de reprises. Comme Brian May d'ailleurs, qui était hier à notre concert à Londres où nous avons évoqués nos débuts. Nous faisions nous aussi des reprises des Early 60's comme "Knock On Wood", et nous avons fait cela beaucoup trop longtemps avant d'envisager la composition de nos propres morceaux, de viser plus grand. Cela manquait de challenge et c'est ce que je ne referais plus: ne pas tenter de challenge. Dans notre groupe de reprises, nous ne bougions pas de notre ville. Maintenant, nous tournons sans arrêt, rencontrons de nouvelles personnes, nous confrontons à de nouvelles langues et cultures, multiplions les albums, les collaborations, les shows. Je ne veux plus vivre sans challenge.
Et avec l'expérience, par exemple, que penses-tu de ces tenues que tu portais dans les années 80 durant l'ère David Lee Roth ?
C'était fun ! Tu sais le style vestimentaire et la musique ont toujours été très liés. Quand j'ai débuté, la période Glam battait son plein avec Bowie et le New York Dolls et je portais ces coiffures improbables et des Platform Boots mais c'était cool ! Puis à un moment on s'est dit stop, et on est passé à autre chose, puis encore à autre chose et ainsi de suite. Aujourd'hui, je me considère comme un adulte et je ne cherche plus à monter sur scène avec une chemise colorée ou ce genre de chose. Je m'habille tel que je suis, comme je l'aime.
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Toujours concernant David Lee Roth, tu as écrit les paroles de "Shy Boy". Tu considères-tu comme un compositeur de parole également ?
Oui, j'ai écrit pas mal de matériel que je colle parfois sur mes titres, en solo ou dans certains projets, même dans Mr. Big. J'ai composé les paroles de "Addicted To That Rush" ou encore de "Still Not Enough For Me" dans le dernier album et une poignée d'autre encore. Mais ça, ça reste pour moi un véritable challenge. C'est vraiment un travail difficile pour moi car je veux que mes paroles aient du sens. Un peu comme celles de Peter Gabriel tu vois, un génie, ou encore Bowie et les Beatles.
Les Beatles !?
Oui. Elles semblent simples, basiques (Il récite) : "She Loves You Yeah, Yeah, Yeah ! She Loves You Yeah, Yeah, Yeah ! She Loves You Yeah, Yeah, Yeah… Yeah !" mais prends "Fixing A Hole" (Il cite les premières lignes) ou "The Fool On The Hill", ça c'est brillant ! Il y a une vraie progression dans leurs textes entre les débuts et la fin.
"Shy Boy" fait partie de ces premières expériences de composition.
Oui et aujourd'hui, j'essaye d'apporter des textes plus riches, issus de ce que j'ai appris dans ma vie. D'ailleurs je me suis fixé une nouvelle règle récemment : Ne plus utiliser les mots "Hurt"," Love" ou "Baby". Ils ont été utilisés trop souvent, partout, tout le temps.
Toujours concernant David Lee Roth, quelle est ton opinion sur la reformation de Van Halen ?
Je suis très content qu'Eddie et David se retrouvent enfin sur le plan musical, mais Mike (NdStruck : Michael Anthony) me manque dans cette configuration. Pour moi, ce n'est pas une vraie reformation de Van Halen si Mike n'est pas là ! C'est un super bassiste et un grand "performer" sur scène, se donnant toujours à 100%. C'est dommage.
Comment expliques-tu la reformation de tous ces groupes de légende des années 80 comme Van Halen, Mr. Big, Extreme ?
Beaucoup de personnes, musiciens comme fans, réalisent que le temps passe et c'est une réelle joie, pour les groupes comme les fans, de se retrouver autour de ces albums, ces chansons qui représentent une partie de nos vies. Se retrouver ainsi, tout sourire, c'est bon !
Si tu devais choisir une chanson qui reflète le mieux la carrière de Billy Sheehan, laquelle choisirais-tu et pourquoi ?
Eh bien… je dirais… peut être un titre instrumental de "Holy Cow" appelé "Hope" (NdStruck : Il apparait en fait sur l'album "Cosmic Troubadour"). J'ai reçu un mail récemment d'une fille qui était à l'école secondaire avec moi. Elle m'a rappelé toutes ces bêtises et bon moments que nous avions vécu à cette époque. Et elle a ajoutée, avec une gentillesse touchante, que s'il fallait passer l'un de mes titres à mes funérailles, ce serait bien celui-là.
Tu as partagé la scène récemment avec super groupe dans lequel on trouvait Steve Vai et Tony Mc Alpine. Quel effet cela fait de se retrouver sur scène avec de tels musiciens ?
C'est un grand honneur, un autre challenge. Steve est l'un des tout meilleurs guitaristes qui soit et un très bon ami que j'aime profondément. Tony aussi, c'est un génie au clavier comme à la guitare. Sais-tu qu'il sait jouer sur un vrai Grand Piano… du Litz, du Chopin et en même temps c'est un guitariste accompli. Je suis d'autant plus content que j'étais avec eux à leurs débuts. Concernant Tony, j'étais avec lui pour son premier album et nous avons vécu son ascension ensemble. Steve aussi. David Lee Roth cherchait un bon guitariste pour son groupe car celui qu'il avait approché ne faisait pas l'affaire et je lui ai dit : "Je connais un autre gars qui s'appelle Steve". Il est venu à l'audition, a joué son truc et regarde aujourd'hui ! Incroyable ! Ils le méritent tous les deux !
Que voulais-tu faire quand tu étais enfant ?
Je voulais faire… j'étais tout d'abord très attiré par les sciences, l'astronomie. Après j'ai voulu être biochimiste, microbiologiste ou paléontologue. J'avais un petit labo chez moi et des fossiles… Puis j'ai voulu à un moment devenir pêcheur mais… la musique à toujours été là dans ma vie, même discrètement dès le départ et sans parfois m'en rendre compte, elle s'est imposée à moi.
L'enfant que tu étais serait fier de toi aujourd'hui ?
Oh oui, car il y a du travail derrière tout cela, de l'implication, de la remise en question, de la correction perpétuelle, et de l'apprentissage, apprendre encore et toujours. Quelque soit la tâche, que l'on soit mathématicien ou chimiste, il y a un point commun : des milliers d'heures de travail pour y parvenir et une envie de progresser et de construire ta propre façon de le faire. Par exemple, j'utilise mes doigts d'une façon très particulière sur ma basse, et personne ne me l'a apprise et personne ne connaissait cela. J'ai inventé moi-même ma propre façon de jouer afin d'arriver à faire ce que je voulais.
Penses-tu être une sorte de pionnier dans ce domaine ?
Oui mais seulement un pionner pour moi-même. Car j'en sais bien plus sur la basse qu'à mes débuts, pas tout bien sûr, mais plus. Maintenant, vu de l'extérieur, les gens peuvent s'en inspirer et c'est très bien comme ça, j'en suis content, mais je n'ai jamais voulu que l'on me suive comme un leader. Je n'ai jamais dit : "allez, tous derrière moi !". J'ai fait ma propre quête et… je ne pense pas être allez si loin dans l'exploration de mon instrument même si j'en suis déjà satisfait. Je pense que les gens idéalisent beaucoup à ce propos.
Les trois choses qui rejaillissent de cette interview semblent être : Aimer la musique, travailler dur et rester humble. Tu pourrais être très fier mais tu sembles rester humble.
C'est ce qui te permet de rester ancré dans la réalité : être humble. Quand je vois quelqu'un s'asseoir et jouer du Litz ou un morceau de Debussy ou de Ravel, je me dis : "Mais pour qui tu te prends toi alors que ce type est vraiment extraordinaire". Un autre exemple qui te permet de te resituer à ta place, à ton niveau, ce sont les voix bulgares. Quand ces femmes chantent, c'est incroyable ce qu'elles arrivent à faire avec leur voix, presque inhumain. Et quand je compare ce que je fais à ça, je me dis que je peux remballer ma fierté. Il faut rester réaliste : je sais faire des trucs, je suis assez bon et je suis content de cela, c'est tout. D'où l'idée de perpétuels challenges à venir. Je connais des gens qui se présentent en disant : "Regardez ce que je sais faire, comment je suis bon" et tout… Attention, je ne parle pas d'eux négativement, mais je pense que c'est une attitude frontale qu'il faut contourner pour réellement rencontrer la personne derrière cette prestance.
Avant de te laisser, voudrais-tu dire quelques mots pour les lecteurs français de Music Waves et peut-être en français ?
Je ne connais pas le français mais le son d'un langage me vient assez facilement en tête, de façon musicale car j'y ai l'oreille entrainée donc je peux dire (en français dans le texte) "Merci" ! Je trouve que le parlé français crée un rythme et une mélodie fort agréable dont les anglais aiment à s'inspirer. C'était une belle interview, avec des questions originales qui changent de celles habituelles, ce fut un plaisir, merci à toi.
Merci à Roger, Charles qui ont rendu possible cette rencontre ainsi que Nestor et Nuno777 pour leur contribution et Mr Blue pour son super travail de retranscription.
Plus d'informations sur http://www.mrbigsite.com/