Un mois après la sortie du second volet de son projet solo, Steven Wilson occupait pour un soir le Bataclan, continuant ainsi une tournée qui le verra investir l’Europe et l’Amérique du Nord. Accompagné pour l’occasion par du beau monde, c’est d’abord par un vaste rideau tiré devant la scène que seront accueillis les Parisiens et sur lequel seront projetés durant de longues minutes des images gaies comme un jour de pluie, semblant tirés du film The Ring. Un son lourd et lancinant installe les spectateurs dans une ambiance spectrale. Un effet hypnotique est sans doute recherché, mais qui met aussi mal à l’aise, d’autant que le Britannique tarde à montrer le bout de ses lunettes ovales.
20h10 délivre enfin la salle au ¾ remplie de cette longue attente. Marco Minnemann, l’un des candidats déçus de la Dream Theater Academy se présente le premier, accompagné très vite par ses autres compagnons de renom.
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Après une courte démonstration de son talent de batteur, Marco entame l’introduction de "No Twilight Within The Courts Of The Sun", pavé aux effluves, rock, jazz et psyché issu d’"Insurgentes". Même si le titre s’y prête par essence, on sent déjà une prédominance de la section rythmique. La basse (ou le Chapman stick) de Nick Beggs (Steve Hackett,…), vieux loup arborant des couettes blanches et une tenue que les frères Bogdanov pourraient jalouser, occupe une place centrale (trop importante diront certains) tandis que Marco s’emploie à soigner son jeu tentaculaire pour survivre dans toute cette complexité. Au cours du morceau, Steven Wilson fait son entrée, second guitariste à côté de Aziz Ibrahim (ex-Asia) accoutré simplement d’un t-shirt noir, à l’image de ses acolytes. Plus en arrière mais assurant un jeu impeccable, Theo Travis (The Tangent, Gong, Porcupine Tree) à la flûte et Adam Holzman au clavier resteront figés comme des stalagmites impassibles.
Le voile blanc où sont encore projetés des images morbides, fantomatiques, des travellings fanés comme un vieux diapositive de tristes paysages, des scènes de meurtres comme un décor lugubre enveloppant la scène de ses griffes rancies, se mélange étrangement à la beauté de certains morceaux tel que "Index" qui pointe alors le bout de son doigt.
Derrière cette modeste protection, Sir Wilson semble à l’aise et inspiré par sa musique. Même s’il ne communique assez peu avec le public, il paraît concerné, par moment habité. De l’autre côté du rideau, la salle est attentive, sans débordement, sagement contemplative du travail de ce grand petit bonhomme.
Finalement, il aura fallu attendre "Sectarian" pour qu’enfin le mur de tissu tombe fédérant la scène au public, et renvoyant la projection malsaine à un écran derrière les six hommes.
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Le concert se poursuit dans une chaude mais agréable ambiance, comme une anagogie de la musique du seigneur Wilson. Le son, laissant discerner chaque instruments, n’est de son côté pas d’une limpidité de cathédrale mais permet d’apprécier à leur juste valeur les morceaux de bravoure ou les instants plus délicats tel que le "Postcard" et ses chœurs magnifiques.
Beggs tout sourire et Minnemann dans son dos assurent tout deux le show, le premier enchaînant les poses et le maniérisme affecté. A l’opposé, Ibrahim est plus sur la retenue que sa propre guitare fera elle éclater par les jeux de lumière émanant du manche et de ses gants…le Daft Punk du prog !
Après presque un heure et demi de show, Steven Wilson déclame que jusque là, tout avait assez facile mais que maintenant ils allaient tenter quelque chose de plus compliqué. C’est là que "Raider II" jaillit des enceintes. Sans doute le point d’orgue de la soirée, non pas parce que épique ou technique, mais parce qu’il laissera le parterre parisien soufflé et admiratif.
Après plus de vingt minutes étourdissantes et sous les applaudissements de rigueur, le club des six retourne dans l’obscurité des coulisses, sans doute satisfait par cette prestation sans faille, avant de revenir très vite pour un petit rappel mérité : "Get All You Deserve".
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Une heure ¾ plus tard, la bande se présente au devant de la scène, bras dessus bras dessous comme les chaînons d’un mécanisme ayant créé la grâce, et les noms des protagonistes comme un ultime hommage s’inscrivent sur le mur du fond, générique de fin d’un spectacle de qualité. Les claps de fin s’intensifient autant que les sourires de ces athlètes d’un soir embellissent des visages fiers de la performance. Un "Thank you and good night" s’écrit de noir et en guise d’au revoir sur l’écran tissé, et une plèbe heureuse évacue l’arène échaudée pour se rafraîchir à l’air de fin de soirée d’automne.
Un grand merci à Roger de Replica records et à l’ami Struck
Merci à Arnaud pour ses très belles photos que vous pouvez retrouver en totalité sur son site
ici.
Setlist :
No Twilight Within the Courts of the Sun
Index
Deform to Form a Star
Sectarian
Postcard
Remainder the Black Dog
Harmony Korine
Abandoner
Like Dust I Have Cleared From My Eye
No Part of Me
Veneno Para Las Hadas
Raider II
Rappel:
Get All You Deserve