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TITRE:

MANU LANVIN (23 MAI 2024)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

BLUES



Avec "Tribute to Calvin Russell", Manu Lanvin rend un hommage émouvant à une figure du blues...
STRUCK - 28.06.2024 -
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Si Manu Lanvin a mis du temps à trouver son chemin, sa rencontre avec Calvin Russell lui a ouvert les portes du blues. C'est donc tout naturellement qu'il sort aujourd'hui "Tribute to Calvin Russel" entouré d'une pléïade d'artistes talentueux qui rendent hommage à une figure -burinée- du blues...




Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée et à laquelle tu aurais marre de répondre ?

Manu Lanvin : De façon générale, on me demande souvent pourquoi un mec comme moi est tombé dans le blues (Sourire)


Et on ne te la posera pas. Ton actualité c'est cet album hommage à Calvin Russell. Tu rends hommage à celui qui a changé ta vie musicale…

Oui, c'est vrai.


C'est un chemin de croix de faire la musique que nous faisons


… Peux-tu nous raconter ton histoire avec Calvin Russell justement ?

Oui c'est simple c'était en 2006. Je suis invité à un concert de Paul Personne à la Cigale. Paul Personne faisait deux concerts consécutifs pendant lesquels il avait beaucoup d'invités. Il y avait Hugues Aufray, Jean-Louis Aubert, et contre toute attente, parce que Calvin avait déserté la France -il n'habitait plus là depuis de nombreuses années. Mais la maison de disques de Paul Personne avait orchestré le fait qu'il vienne en invité surprise et quand il est arrivé j'ai vu l'amour que les gens lui portaient dans la salle. Il était tellement chargé de magnétisme lorsqu'il montait sur scène et ça a été une surprise générale. D'ailleurs il n'a pas pu quitter la scène parce que les gens demandaient ce qu'il vienne faire un deuxième titre. Paul a été très emmerdé (Rires) mais c'est très bien passé.
Et en backstage, on a fait plus ample connaissance. Paul Personne a senti -je ne sais pas s'il l'a fait exprès ou pas- mais il nous a mis à côté à table pour dîner après le concert parce qu’il devinait qu’on avait des choses à se raconter. Il est vraiment tombé dans le juste. Et c’est ainsi que tout simplement qu’on s’est liés d'amitié malgré un écart de génération.
Un truc s'est passé. D'ailleurs on n'a jamais envisagé de travailler ensemble au début. On se voyait beaucoup dès qu'il venait tourner en France. Il passait du temps à côté : on écoutait de la musique. Je l'ai fait participer aussi sur un projet électro à l'époque, ce qui l’avait beaucoup excité. Ca s'appelait Manu and the Songe Black. Il est venu faire un titre, une apparition sur un truc qui s'appelle ‘The World is Changing’ et que j'avais été enregistré dans sa cuisine au Texas. J'étais à la cool : on n'avait pas envie de travailler de manière très formelle, tu vois. Et c'est donc un peu plus tard, lorsque lui était à nouveau dégoûté du système de la musique -des maisons de disques, de la musique business…- qu'il avait décidé de décrocher de nouveau, comme il l'avait déjà fait plusieurs fois auparavant. Ce sont des vies particulières, c'est un chemin de croix de faire la musique que nous faisons. Et pourtant il en a eu du succès avec Calvin ici. Mais il n'empêche que c'est toujours un combat jusqu'à la fin, de pouvoir imposer un nouvel album.


Il faut savoir que Calvin Russel a été reconnu très tard... et en France, en plus !




Et tu parles de succès justement de Calvin Russell. Comment expliques-tu cette appétence pour le blues en France ?

Je crois qu'au début ça part quand même un peu d'un principe d'exotisme parce que c’est un peu le Graal qu’on récupère chez nous avec des personnages comme ça. Regarde Popa Chubby : il a un look, il a un truc, il a une voix particulière. Calvin Russell, ça raconte une histoire. Ce sont des mecs qui ont des histoires à raconter. Et ça, ça passionne les Français, les Européens. C'est marrant parce que c'est ce que disait Popa dans une interview qu'il a donnée pour l'album hommage à Calvin Russell, il disait que quelque part, ils étaient un peu des exilés parce qu'ils n’ont pas été reconnus. Il disait que ce que les Français aiment chez eux, c'est une forme d'authenticité : ce ne sont pas des sex symbols, ils ne ressemblent pas à Brad Pitt (Rires)… Il a cette forme d’autodérision qui est géniale. Il faut savoir que Calvin Russel a été reconnu très tard... et en France, en plus ! C'est un artiste qui a commencé une carrière très tardive.
Je pense que ça a été aussi le savoir-faire de certains labels -comme New Rose- qui ont su aller chercher des mecs comme ça, qui pouvaient facilement promotionner en France… Il y avait une envie, une appétence comme tu le dis, d'écouter et de toucher de près aussi des artistes qui allaient enfin tourner en France sans que ça soit des artistes intouchables comme Eric Clapton… qui sont des stars internationales et qui viennent finalement peu en France. Et je me rappelle que j'achetais des albums parce qu'il y avait écrit DixieFrog derrière sans savoir quel groupe j'allais écouter. C'étaient des labels qui avaient un gage de qualité, qui étaient certes dans une niche mais qui étaient très bien entretenus…. Je pense que Calvin a profité de ça. Et c'est peut-être pour ça que ces mecs-là ont eu du succès ici. Après, cette recherche d'authenticité, il faut savoir qu'en France, on n’est pas bons là-dedans : on ne promotionne pas les artistes qui sont les plus authentiques... Sans vouloir critiquer, objectivement, au niveau culture musicale, on est un peu à la traîne en France quand tu vois ce que sont les Victoires de la Musique par exemple…


Un peu ?

C’est un euphémisme parce que je ne veux pas choquer, je ne veux pas faire comme mon père qui passe toujours pour un bougon... Mais c'est terrible, c'est terrible. Et donc, heureusement qu'il y a des mecs comme toi et moi, ou comme d'autres, qui veulent écouter des choses qui parlent à notre âme…


Les gens qui tiennent ce métier [...] sont complètement à côté de la plaque !



Alors qu’on a des talents en France et j’ai en tête Gojira, je ne sais pas si tu connais ?

Bien sûr, c’est super ! Mais ça a été pour plein de genres musicaux : je pense à Tahiti 80, à Air… à plein de groupes comme ça… On a toujours eu un petit train de retard. Je veux dire que ce ne sont pas les Français qui sont sceptiques mais ce sont les gens qui tiennent ce métier comme ceux qui organisent les Victoires de la Musique, qui sont à la tête de ces grosses majors… ils sont complètement à côté de la plaque !


Mais n’est-ce pas aussi en raison de la métamorphose de la bande FM avec notamment l’apparition des quotas qui n’existaient pas avant les années 1980 et qui n’ont pas de sens puisque finalement ton album n’est pas considéré comme un album français ?

Pour autant, il ne passent pas de Gojira sur ce qu’il leur reste de quota… D’ailleurs, un jour, sur les réseaux sociaux, j’ai taclé OuiFM qui s’enorgueillissait du Grammy Award gagné par Gojira. J’avais écrit qu’ils s’accrochaient au succès d'un groupe qu’ils n'avaient absolument pas aidé… Ce sont vraiment des enfoirés c'est-à-dire qu'une fois que ça devient un phénomène incontournable d'un seul coup, ils s’y intéressent et réclament leur part dans ce succès… Mais si tu regardes la playlist de OuiFM, c'est une dinguerie : il ne passe aucun artiste français hormis un Benjamin Biolay mais combien un Biolay a payé pour qu’ils le passent ? Attends, j’aime beaucoup Biolay mais il n’a rien à foutre sur OuiFM,  il faut pas arrêter de déconner ! Ce n’est pas si comme s'il n’occupait pas déjà assez les autres bandes FM pour au moins laisser la seule niche qu'on ait en France qu’est OuiFM.
Mais tu sais ce qui se passe ? Tu sais pourquoi OuiFM n'est pas soumis aux quotas ? C'est comme Jazz Radio. Parce qu'ils sont dans une niche particulière : ils ne sont pas soumis aux quotas et ne sont donc pas obligés de passer du français.


On va revenir à toi qui es né dans une famille d'artistes. Ton amour de la musique vient plutôt de ta mère, comment expliques-tu avoir été plus attiré par la musique que par le cinéma ?

Ça m'intéresse moins, parce que malheureusement j'ai goûté à la musique très tôt. Moi j'ai goûté à la musique, je traînais dans les studios de Pathé Marconi.


Pourquoi malheureusement ?

Je dis malheureusement parce que j’aurais peut-être eu une vie un plus fortunée (Sourire)… Mais non, je ne regrette absolument pas, je suis très content du chemin que j'ai pris. Mais je n'aurais peut-être pas connu ce chemin de croix… Mais non, je pense que c'est juste que j’étais très tôt au contact de l'environnement de ma mère : je suis allé aux concerts quand j’avais 5/6 ans, à côtoyer Téléphone, à pouvoir toucher la batterie de Richard Kolinka, Corinne Marienneau était un peu comme une marraine pour moi, elle me montrait sa basse sans manche… Tu sais, tout ça, ça émerveille un môme et j'aimais voir ces bandes de jeunes sur scène s'éclater, donner du bonheur aux gens en direct et en recevoir en retour. Chose qu'on n'a pas dans le cinéma…
J'ai aussi traîné sur les plateaux de cinéma. J'adore les films, j'adore la production cinématographique mais il y a quelque chose de tellement magique dans la musique... D'ailleurs ce n'est pas pour rien qu'un acteur comme Russell Crowe avait aussi un groupe, mon père dès qu'il peut traîner avec nous, il monte sur scène et veut continuer et ne faire que ça… D’ailleurs, un jour il m'a dit : "Manu, j'arrête les films et je veux qu’on fasse de la musique tous les jours !". Je l’ai dissuadé parce qu’il allait manger du pain rassis et il fallait qu’il continue le cinéma parce qu’il gagne bien ta vie avec ça (Sourire). C'était normal que je le fasse de ne pas venir dans la musique, c'est un milieu de "crevards", surtout le blues : il va lui arriver que des tuiles. Alors dans le cinéma, il y a encore le rêve hollywoodien, festival de Cannes, c'est plus glamour, ça paraît plus riche (Rires). Mais ça n'empêche pas qu'on continue quand même à faire des concerts…. Tout ça pour dire que tous les acteurs rêvent de faire de la musique parce que le jour où ils ont la possibilité de monter sur scène avec un groupe derrière, tu les rends dingues parce que c'est le plus beau rôle qu'ils peuvent avoir, parce que là ce ne sont pas des figurants devant toi qui t'applaudissent, ce sont des gens qui viennent te voir et qui viennent vibrer avec toi.


Ça s'apparente plus au théâtre avec une énergie plus forte...

Et encore au théâtre, tu te fais applaudir à la fin. Tu n'es pas applaudi pendant et les gens ne reprennent pas tes tirades avec toi alors que sur scène, ils chantent avec toi : c'est une énorme différence (Rires) !


Ce n'est pas compliqué de diriger son père, en tous cas pas le mien...




Justement, tu évoquais ton père qui est présent sur cet hommage sur le titre ‘5 m²’ , titre déjà présent sur "Dawg Eat Dawg", l’album testament de Calvin Russell auquel tu avais participé. Le plus frappant lorsque vous jouez ensemble, c’est cette complicité qui vous unit et qui s’entend immédiatement. En règle générale, comment travailles-tu avec Gérard Lanvin ?

Très simplement, il vient travailler ici : il se met derrière le micro et puis, on y va ensemble. Comme il n'est pas musicien, il n'a pas les réflexes de musicien lorsqu'il chante, c'est-à-dire savoir comment placer les départs, les structures, les mesures, les temps… Mais justement, c'est mon travail de coach qui rentre en scène et mon travail c'est de lui donner des points de repères dans la musique… Je le dirige simplement : ce n'est pas compliqué de diriger son père, en tous cas pas le mien (Sourire) !  Il est très souple et de toute façon, il faut savoir que c'est dans la culture des acteurs : ils ont l'habitude d'être parfois un peu redirigés. Ils ont besoin d'avoir un repère - même si les grands acteurs savent ce qu'ils ont à faire. Mais c'est très rassurant pour un acteur…


J'ai eu du mis du temps à trouver mon chemin



Depuis le début de cette interview, tu nous parles de Calvin Russell bien entendu, mais est-ce que le point commun entre vous deux, en l'occurrence Calvin Russell et toi, n'est pas justement le fait de traverser sa route, coûte que coûte, loin du strass et du star system alors que tu aurais facilement pu céder à ces sirènes sachant que tu as par exemple ouvert pour Johnny par le passé ?

Oui mais ce n'est pas pour autant que ça m'a ouvert non plus les portes de la Star Academy que je refuserais de faire parce qu'il faut être dans son exactitude : "Assieds-toi à ta place, on ne te fera pas lever !". J'ai eu du mis du temps à trouver mon chemin. J'ai mis du temps parce que j’ai fait des albums -avant d’en faire avec le Devil Blues- qui n’ont pas beaucoup fonctionné : les gens avaient du mal à comprendre où je voulais en venir… Et c'est quand je suis revenu à mes amours d'origine -le rock, le blues, tous les courants de musique authentique…- que d'un seul coup, les choses m'ont souri. "Assieds-toi à ta place, on ne te fera pas lever !" c'est à dire que quand t'es dans ton exactitude, l'exactitude semble fonctionner, après c'est sûr que je n'ai pas le même public que Jul…


Tant mieux, non ?

Je ne sais pas, mais je n'ai pas la même quantité de gens devant moi. En tous cas, les gens qui viennent à nos concerts sont des gens que j'aime, parce que je sais qu'ils viennent écouter de la musique, ils ont des repères, ils ont un peu de culture, ils ont la même culture musicale que moi… Donc c'est plus simple pour moi de communiquer avec eux, en fait. On a un peu le même langage.


Et sur cet album hommage, il y a Beverly Jo Scott, Neal Black, Charlélie Couture, Popa Chubby, Axel Bauer et tant d'autres pointures. Est-ce que ça a été difficile de les réunir sur ce même projet ou est-ce qu'il a suffi justement un unique point de se reposer sur l'amitié qui vous lie ?

Les deux, mon capitaine ! L'amitié facilite les choses parce que déjà ils vous répondent (Rires). J'aime bien travailler avec mes potes. Je suis quelqu'un de fidèle et d'entrée de jeu, je préfère m'adresser à des artistes qui sont mes copains. Neal Black en fait partie, je collabore avec lui. Beverly Jo Scott, on se connaît déjà maintenant un peu. Popa Chubby est venu jouer sur mon dernier album "Grand Casino". Axel Bauer m'a invité à le rejoindre sur scène à l'Olympia, il est venu à la soirée Harley que j'ai organisée : on se connaît un peu, on se respecte. Donc c'est sûr que c'est un peu plus simple. Mais il y avait des gens que je ne connaissais absolument pas, et Hugh Coltman en faisait partie : c'est un artiste que je n’avais jamais rencontré, mais c'était une évidence pour moi. C'était une évidence qu'il soit sur un morceau et le morceau d'ouverture. J’ai mis en place tous les moyens pour pouvoir le contacter et le convaincre que c'était lui qu'il fallait, parce que j'avais cette conviction, c'était une évidence que Hugh Coltman devait jouer sur ‘Shadow of Doubt’. Tout comme Charlélie Couture qui était une évidence, il fallait juste qu’ils aient la même évidence en écoutant le morceau. Mais quand tu as une conviction, les artistes sont très flattés et se disent que si j’insiste, c'est qu'il y a quelque chose.


Il fallait montrer [aux invités] que ce n’était pas un projet de charlot




Mais je suppose que la conviction ne suffisait pas ?

Bien sûr que non ! Il fallait leur montrer que ce n’était pas un projet de charlot (Rires)... Le but était de fournir une base de trucs enregistrés à proposer aux invités. Il fallait les convaincre. Il s'agissait donc pour moi de produire au maximum de ce que je pouvais en prenant souvent le risque que les tonalités n'allaient peut-être pas correspondre. Mais j'ai un peu d'expérience : je connaissais la palette vocale des gens que j'envisageais pour tel ou tel titre. Il faut savoir que Calvin avait une voix aussi particulière, qu'il travaillait beaucoup dans le bas, une voix basse. Donc il a fallu faire quelques petites pirouettes -je pense à Beverly Jo Scott- on a dû monter le titre pour que ça devienne une tonalité possible pour elle, telle qu'elle l'a réinterprétée. Mais grosso modo, on est resté à chaque fois dans les tonalités d'origine. Il y a juste pour Axel Bauer et pour Beverly Jo Scott où on a changé les tonalités.


En revanche, il manque un invité dont tu nous parlais en début d’interview à savoir celui qui vous a mis en relation. Pourquoi n’est-il pas présent ?

Ça devait être le cas…


Ma seule frustration sur l’album est de ne pas avoir enregistré ‘Let the Music Play’ avec Paul Personne


Que s’est-il passé ?

Motus et bouche cousue : il faudra demander à sa maison de disques qui a tout fait pour qu'il ne vienne pas. On était à deux jours d'enregistrer une super version d'ailleurs qui était une version de ‘Let the Music Play’. Tu sais, ce sont les histoires du business. Ma seule frustration sur l’album est de ne pas avoir enregistré ‘Let the Music Play’ avec Paul Personne.


On a évoqué le choix des artistes mais comment s’est fait le choix des morceaux ? Tu les as imposés aux autres artistes ou cela a été une négociation entre vous ?

Non, il n'y a eu aucune négociation. J'avais une idée en tout cas des morceaux que je voulais sur l'album pour une cohérence et honnêtement je n'ai pas beaucoup de mérite là-dessus parce qu’on a fait un concert hommage à Calvin Russell qui est un peu le déclencheur de cet album : un concert à La Traverse, une salle qui ne fait passer que des artistes américains, ils ont une programmation géniale, très blues, très rock. Ils m'ont demandé si j'acceptais de faire un hommage live à Calvin Russell. Donc quand j'ai fait cet hommage à Calvin Russell -d'ailleurs ça a été complet en 3 jours- il a fallu que je fasse une set-list : j’ai bien évidemment pris les incontournables de Calvin, puis j'ai pris des morceaux que j'aimais bien. Et la soirée était tellement émotionnelle qu’il fallait que je garde cette trame.
Après il y a des choses qui ont bougé. Il y a certaines choses que j'aimais beaucoup en live mais qu'on n'a pas enregistrées comme ‘Freight Train Blues’ que j'adore mais que je referai en live. Après c'était juste pour trouver une homogénéité dans l'album : je ne pouvais pas faire un album de 20-25 titres, autrement j'aurais passé beaucoup trop de temps...


Après rien n’empêche de faire un deuxième album hommage ?

Oui tout à fait, ou même ne serait-ce qu’un live….
Je me suis donc simplement inspiré de cette soirée. Mais bien évidemment quand j'ai appelé Axel, il m'a demandé ‘Crossroads’ mais il est déjà pris (Rires). Il était déjà enregistré par Beverly Jo Scott et je trouvais que c'était une idée fabuleuse qu'une femme chante cette chanson. Pour moi, ça a beaucoup de sens, surtout aujourd'hui où les femmes doivent décider de leur destinée, elles n'ont plus de patron : ce sont des "bonhommes" ! Et je trouvais bien que cette chanson de bonhomme ‘Crossroads’, le lonesome cowboy qui laisse derrière lui sa famille, ses enfants. Je trouvais qu'aujourd'hui, pour une femme, ça pouvait avoir une vraie résonance. D’ailleurs, Beverly Jo Scott a avoué après avoir enregistré ce titre qu’elle avait l'impression de raconter sa propre histoire. Elle a quitté les Etats-Unis sans qu’on sache pourquoi et elle ne le dira jamais à personne. Elle s'est reconnue, elle a lu les textes et ça a été une fulgurance quand elle l'a chantée.


Tu évoquais Axel Bauer qui voulait interpréter ‘Crossroads’ mais qui a hérité de ‘Soldier’...

... C'est moi qui l'ai orienté vers ‘Soldier’. C'est un titre qu'il connaissait moins bien mais je l'ai attiré sur le texte : comment il a été écrit, parce que ‘Soldier’ a été écrit ici à Pigalle.


C'est un excellent choix puisque le reprise en français de ‘Soldier’ est particulièrement émouvante. Et le plus remarquable, c’est de constater à quel point la traduction française fait sens. Comment t’es venue l’idée de traduire cette chanson, ou est-ce une idée d’Axel ?

C’est tout simplement l’idée d’Axel. C'est-à-dire que j'ai envoyé plusieurs versions de ‘Soldier’ parce que je voulais absolument le choper sur ce titre-là ; j'étais persuadé qu'on pouvait faire quelque chose ensemble là-dessus. Je me rappelle que dans la soirée même après lui en avoir parlé à 22h, le lendemain matin, à 9h, il avait déjà une version tellement je voulais qu'il la chante. Et les choses ont pris une autre tournure : il m'a dit qu’il ne savait pas pourquoi mais il avait envie de faire cette chanson en français.


Je ne suis pas étonné parce que lors de notre interview avait évoqué son goût pour traduire des chansons d’anglais en français…

Je ne veux pas parler à sa place mais Axel est un producteur, un vrai producteur dans sa tête c'est à dire qu'il n'est pas juste auteur/ compositeur/ interprète au contraire il a une vision très vite globale de ce qu'il veut. Il avait besoin de maîtriser là où il allait. Donc très vite, il m'a envoyé des images, des références musicales qu'il avait. Et j'ai senti que pour qu'il se sente à l'aise et qu'il exprime peut-être quelque chose de la meilleure manière que ce soit, il fallait que je le laisse un peu plus "libre"... Très honnêtement, Axel a été le pilote principal de cette version, je n’ai fait que l’accompagner dans ses délires. C'était un soir et c'est allé très vite et je l'ai laissé aller -après j'ai fait des propositions de mix, des choses comme ça-  mais je l'ai laissé aller parce que je voulais qu'il se sente à l'aise. Et en plus, c'est finalement celui qui a pris plus de risques. C'est celui qui décide de faire une adaptation en français. C'est vrai que c'est une intention qui est risquée. Et donc il fallait surtout qu'il se sente super à l'aise dans ce risque-là. On touchait un truc et en plus, il y a un climat assez intimiste dans ‘Soldier’ : il fallait que tous les éléments, les ingrédients soient bien choisis et là-dessus je me suis fié à ses envies et je l'ai juste accompagné.


La poésie est que je trouvais cool que sur un hommage à Calvin, que Calvin soit aussi avec nous




L’originalité de cet album-hommage est d’avoir inséré des plages où l’on entend Calvin Russell parler. D’où viennent ces enregistrements ?

Ils viennent d’un documentaire qui s'est tourné ici à la Chocolaterie -Calvin était là, assis à la place où tu es…- par un cinéaste, Patrice Gautier -qui pendant qu'on enregistrait "Dawg Eat Dawg" ici- faisait un documentaire de notre collaboration mais aussi de Calvin. Il y avait déjà eu un documentaire sur Calvin fait au Texas mais il avait envie de faire un documentaire sur ce personnage qui avait des histoires à raconter incroyables, et revoir avec lui la genèse de ses morceaux… Et finalement, ce documentaire n'a jamais pu aller jusqu'au bout puisque Calvin est rentré au Texas, il est tombé malade, puis il a disparu et Patrice a laissé tomber ce projet de documentaire qui était filmé entre la Chocolaterie, chez moi… Mais quand il a su que je travaillais sur l'album hommage, il m'a dit qu’il avait des quantités de rushs de tout ce qu'il nous a dit. A l’époque, j'étais très affairé à la production de l'album, je voyais qu'il était en train de filmer, j'écoutais comme ça à demi-mots ce qu'il faisait. Il m’a envoyé ses rushs et j'ai trouvé des trésors… La poésie est que je trouvais cool que sur un hommage à Calvin, que Calvin soit aussi avec nous. Je voulais le ramener avec nous en fait. Je trouve ça chouette quand il vient mais je me suis cassé la tête pour track listing : il arrive et sans sans qu'il le sache, il fait habilement le lien entre deux morceaux, la fin d'un morceau et le début d'un autre… et je trouve ça magique !


Ton actualité est donc cet album hommage à Calvin Russell mais personnellement, ton dernier album solo avec The Devil Blues est "Grand Casino", sorti en 2019. Certes il y a eu le Covid qui ont pris deux ans de nos vies et tu as grandement contribué à l'album de ton père, "Ici bas" paru en 2021. En d’autres mots, à quand un nouvel album de Manu Lanvin ?

Je suis en train de travailler dessus en ce moment. Ce n'est pas que je suis en retard, mais comme tu l'as dit, les années Covid nous ont bouffé deux ans et quand on est sorti de ça, j'ai dû tourner encore sur "Grand Casino" parce que je n'avais pas pu le défendre comme je le voulais. L'album de mon père m’a aussi pris une petite tranche de vie mais il a très bien fonctionné, on est quasiment disque d'or sur cet album. Donc les tournées qui vont avec, les tournées très prenantes du Devil Blues - parce que mon groupe Devil Blues tourne énormément. Et cette année volontairement, j’ai imposé qu’on me libère -non pas que je n'aime pas aller sur scène, la scène c'est ma vie- pour pouvoir avoir du temps d'enregistrer des choses, ce que je fais en ce moment. Donc il y aura un nouvel album du Devil Blues très prochainement.


Mais quand ?

A mon avis, ce sera fin de cette année ou début 2025. On a les chansons, on cherche les directions. Je sors de studio, j'étais en studio la semaine dernière. Et cet album hommage m’a aussi pris du temps (Sourire) parce que cet album hommage comptait beaucoup sur les invités. Et selon leur disponibilité ou pas, ça s'est beaucoup étendu dans le temps.


Et concrètement toi, qu'est-ce que tu attends de cet album mais que peut-on en savoir, alors que ce n’est pas un album de toi à proprement parler ?

C’est vrai, mais j’ai fait cet album parce que j'avais une envie. Tu sais, tu fais des trucs qui t'éclatent en musique. Il ne faut faire que les trucs qui t'éclatent. Et ce qui m'a plu dans ce projet-là, c'est de partager aussi des expériences de studio avec tous les artistes qui sont présents et que j'aime profondément. J'aime leur musique, j'aime ce qu'ils font, j'aime les gens qu'ils sont, j'aime le fait de mieux les rencontrer, de travailler avec, pour moi c'était tout nouveau. Axel on a beau être potes mais on n'avait jamais travaillé ensemble en studio. Neal Black, on collabore ensemble mais je ne l'ai jamais vu derrière un micro et je n’avais eu le devoir de le driver. Idem pour Beverly Jo Scott. Popa Chubby était déjà venu ici. J'étais content de diriger Johnny Gallagher, que j'aime beaucoup et je sais que ça va ouvrir sur des choses nouvelles parce que Gallagher a pris son pied à travailler avec moi et à l’issue, il m’a demandé qu’on fasse un album ensemble et donc je sais qu'un jour je produirai un album de Johnny Gallagher…


Il y a beaucoup d'affect, de l’émotion dans cet album... selon toi, comment aurait appréhendé Calvin Russell ce projet ?

C'est dur... Mais je pense qu'il aurait été aux anges parce que c’était quelqu’un qui était ému dès que quelqu'un le reprenait sur scène… C'était flatteur pour lui parce que c'était quelqu'un de très humble. Donc il ne pouvait que s'émerveiller dès que quelqu'un s'intéressait à sa musique ou avait envie de refaire un morceau de lui. Ça ne pouvait que lui plaire.


Donc il aurait aimé que tous ces artistes présents sur cet album reprennent ces titres. En revanche, penses-tu qu'il aurait eu un manque, un artiste qu'il 'aurait voulu voir figurer ?

Oh il y en a plein, j'imagine que s’il avait été là, je suis sûr qu'il y aurait eu des artistes de son Texas natal, des gens avec qui il a déjà collaboré parfois, qu’il aime ou qu'il aurait peut-être voulu mettre en avant. Par exemple, je pense qu'il aurait voulu parce que c’était très important pour lui que David Minster soit présent sur l'album et c'est le cas. David Minster c'est son beau-frère en fait, c'est le frère de sa femme. Il aimait beaucoup David Minster, il m'en parlait souvent, c'était un peu son petit protégé. Il avait envie de lui donner un coup de main parce qu’il trouvait que David est un très bon harmoniciste, il a une voix très intéressante… Et donc je pense que Calvin m'aurait soufflé que David soit présent et c'est pour ça que je n'aurais jamais pu faire cet album si David n'était pas sur l’album...


C'était impossible de se prendre la tête avec Calvin




Tu es en train de m’avouer que quelque part, tu as respecté jusqu'au bout la mémoire de Calvin Russell ?

Je ne sais pas, mais il ne se serait offusqué de rien sauf s'il y avait eu un mec avec qui il avait été en guerre pour une gonzesse ou je ne sais pas quoi, mais ce n'est pas le cas. Mais je sais que les gens que j'ai invités étaient des gens avec qui il n'y a eu aucun problème parce que c'était impossible de se prendre la tête avec Calvin.


Et cet album hommage a-t-il vocation à être défendu sur scène ?

On a trois concerts hommages cet été qui nous ont été demandés par des gros festivals. On a le Cognac Blues Passions, on a un festival à Bron à côté de Lyon en juillet mais aussi les Nuits Suspendues au Havre. Tous les invités ne seront pas présents mais une grande partie. D’ailleurs au Cognac Blues Passions, on aura pratiquement tout le monde, d'ailleurs.
Je n’avais pas l’intention de le faire parce que l'hommage, je l'ai déjà fait. Mais comme on m'a demandé de mettre en spectacle cet album, j'ai répondu positivement.


Et pour terminer, on va commencer l'interview par la question qu’on t’a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ou à laquelle tu rêverais de répondre ?

(Rires) Ah je ne sais pas,… C’est une question-piège...





Comme tu as l’air de sécher et vu que tu m’as avoué sortir un album très prochainement, on se donne rendez-vous pour la promotion de ce futur album et je te propose de commencer par cette question et ta réponse…

(Rires) Ah ok !


Merci

Ah non, merci à toi !


Et merci à Newf pour sa contribution...



Plus d'informations sur http://www.manulanvin.com/
 
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