Nous vous suivons depuis 2014 et la sortie de votre premier excellent album éponyme. Après un deuxième album tout aussi bon, vous voici retours 6 ans après avec seulement un Ep première partie d’un concept qui prendra fin dans deux ans. A cet égard, peux-tu nous détailler le concept qui préside à votre nouvelle œuvre ?
Nous voulions raconter une grande histoire, décrire une ligne du temps avec des parties qui sont un constat sur le passé, une interprétation de notre présent et une vision d’un futur probable. Nous ne voulons pas entrer dans la politique ni dans un album vraiment engagé mais nous voulions au travers de ce (gros) travail faire passer un message sans être moralisateurs. Notre intervalle de temps démarre en 1876 et va jusqu’à une date très lointaine dans le futur qui n’est pas définie. La dernière date connue dans le concept sera le 5 avril 2248 et ne sera dévoilée que dans la troisième partie de notre aventure, soit à la sortie de l’album final.
Une fois le constat effectué, quelles seraient les solutions à mettre en œuvre ? Avez-vous prévu de les présenter dans la suite du concept ?
Les 3 parties formeront un tout, nous ne donnons pas de solution à la problématique que nous exposons, ce serait bien présomptueux de notre part. Toutefois, nous donnerons un scénario qui me paraît plausible et qui s’approchera de la réalité telle qu’elle est aujourd’hui.
Penses-tu, de ton point de vue d’artiste, pouvoir faire bouger les choses ?
Light Damage n’a pas la prétention de pouvoir influencer des gens, par contre je pense que oui, nous pouvons faire bouger les choses comme tout un chacun : à titre individuel. Il est très important de se dire qu’on a tous une part dans notre avenir et de ne pas la sous-estimer. Ce qui m’intéresse n’est pas de faire bouger des choses mais de faire comprendre à tous que chacun a son importance.

Pourquoi ce choix de découper la parution de ce nouvel opus en trois morceaux ? Et pourquoi cette sortie uniquement numérique pour les deux premiers EP ?
Pour commencer, il faut revenir un peu en arrière. Nous n’avons pas eu la chance de pouvoir promouvoir notre album Numbers. Pour des groupes comme nous il est quasi impossible de sortir un album et d’enchaîner sur de la promo live. Généralement une fois l’album sorti, il faut entreprendre des démarches assez longues et donc voir sur le long terme. #Numbers est sorti fin 2018 et nous avons travaillé d’arrache-pied à mettre en place de la promotion live au plus vite. Fin 2018 tout est déjà booké partout pour 2019 donc nous avons planifié cette promo au travers de concert pour 2020… Et arriva ce qui arriva : cette crise sanitaire qui a tout bloqué et qui nous a forcé à annuler 2 tournées UK et qui nous a empêché de finir l’aboutissement d’une tournée au Japon.
En plus de ces annulations, notre claviériste est parti vers d’autres horizons musicaux donc ces éléments n’ont rien fait pour relever notre moral et je t’avoue que nous nous sommes même posé des questions sur l’avenir du groupe.
Puis Christophe (Pietquin) est arrivé et a relancé la machine. L’idée de la grande fresque a germé mais le problème du délai s’est posé. La découpe en 3 parties nous a semblé intéressante pour avoir de l’actualité plus constante et en plus notre concept nous permet de découper les EP sur des périodes précises (XX = 20 pour 20ème siècle et le suivant sera XXII qui ira donc jusqu’au 22ème siècle)
La sortie uniquement numérique est un choix « imposé ». La sortie en physique est de plus en plus chère et 3 tournées annulées nous ont fait un gros trou dans notre budget. Nous voulons donc garder le format physique pour le résultat final et donc n’avoir qu’une seule fois à budgétiser une sortie physique.
Après deux albums salués par la critique dans le trop petit monde du progressif, qu’attendez-vous de cette grande fresque ?
Nous espérons ne pas décevoir notre public actuel mais aussi aller chercher un public un peu différent. Le côté fresque va très certainement plaire aux fans de rock progressif mais nous cherchons aussi à implanter quelques morceaux un peu plus simples à appréhender. Alors quand je dis simple, c’est assez relatif car on reste quand même sur des modes de composition qui ne sont pas nécessairement standard. Luna par exemple parait assez simple mais essayez de taper du pied ou de hocher la tête sur le morceau et vous vous rendrez compte que c’est plus complexe qu’il n’y paraît.
Par rapport à “Numbers” dans lequel les guitares étaient très en avant, je trouve que les claviers ont (re)pris beaucoup plus d’importance, beaucoup plus d’ampleur. Est-ce une volonté d’évolution ? Ou bien l’inspiration du moment ?
C’est déjà avant tout un claviériste différent. Le précédent était un fan de Philippe Glass, l’actuel est plutôt tourné vers Dream Theater… ça donne déjà un indice.
Il y a aussi le fait que sur le Ep XX, on parle du 20ème siècle qui, musicalement, a vu l’avènement et l’évolution des synthés, ce que nous avons aussi voulu faire transparaître dans ce EP.
Quel est votre processus de composition au sein de Light Damage ? En d’autres mots, comment vous répartissez-vous les tâches au sein du groupe ?
Nous avons tous un rôle assez défini, que ce soit musicalement ou d’un point de vue organisationnel, mais on n’hésite pas à intervenir dans les rôles l’un de l’autre. Par exemple c’est généralement moi – Fred (Hardy) - qui m’occupe de tout ce qui est booking et management mais si un autre membre du groupe veut organiser quelque chose, cela va devenir alors un travail d’équipe.
Pour les compositions c’est un peu la même chose. Généralement pour la musique, une idée vient de l’un d’entre nous - la plupart du temps Christophe (Pietquin) ou Stéphane (Lecocq) – et on amène tous notre pierre à l’édifice en donnant nos idées de structure, d’ambiances… Et notre batteur – Christophe (Szczyrk) – nous débloque aussi souvent des « méandres » dans lesquels on peut s’enfoncer en nous sortant un rythme ou une transition qui va régler pas mal de choses.
Pour les paroles c’est généralement Nicho (Dewez) qui s’y colle mais pour cet album par exemple, le point de départ a été une série de textes que j’avais écrit donc Nicho et moi nous sommes retrouvés quelques fois pour en parler et prendre une direction commune, mes textes ont été mis en forme pour en faire des paroles et maintenant ils sont dans les mains de Nicho pour qu’il les manie à sa guise.
Donc oui, rôles définis mais au final, c’est très collaboratif.
Peut-être la question qu’on vous aura trop posée, mais les réponses nous intéressent … quels sont vos goûts musicaux aux uns et aux autres ? Et sont-ils une source d’inspiration ou d’influence lorsque vous composez vos propres titres ?
Je ne vais pas lister les groupes « fétiche » de chacun d’entre nous mais sache qu’on a tous des goûts musicaux très différents qui se rejoignent parfois. Bien sûr on va retrouver chez certains des grands classiques du rock progressif (Pink Floyd, Genesis, Marillion…) et également du rock progressif plus contemporain (Riverside, Gazpacho, Pure Reason Revolution, Porcupine Tree,…) mais on va aussi pour certains partir vers d’autres univers comme du punk, du rock californien et même de la musique médiévale.
Au-delà de l’étiquette progressive que l’on vous a accolée (à raison pensons-nous), comment définirais-tu votre musique ?
Je la définis comme du rock « à tendance progressive » mais avant tout c’est du rock. Je trouve ça dommage et réducteur de trop classifier la musique par genre, puis sous-genre, puis type de sous-genre, puis sous-type de sous-genre… je n’ai jamais aimé enfermer les gens dans des cases.
Le Luxembourg est plus réputé pour ses banques que pour ses groupes de rock progressif. A notre connaissance, vous êtes deux (The No Name Expérience et LD). Mais il y a probablement d’autres pépites à découvrir ? Y a-t-il une réelle scène progressive au Luxembourg ?
J’ajoute même que TNNE et LD ne partagent pas que le pays mais aussi la maison de disque. Il n’y a pas à proprement parler de scène progressive au Luxembourg mais on retrouve quand même une volonté d’y faire perdurer le rock et les musiques acoustiques, et de faire cohabiter ce style avec les courants plus « tendance ». Il doit y avoir de la place pour tout le monde (je sais ça fait un peu bisounours, mais on ne se refait pas).
On vous voit peu sur scène -surtout en France mais bon, il n’y a pas beaucoup d’occasions de le faire non plus chez nous. Des projets en ce sens pour le futur pour réparer cela ?
Il est très difficile de trouver des dates en tant que groupe indépendant. Souvent les festivals sont prévus pour des grosses machines et rares sont ceux qui laissent leur chance à des groupes comme nous de se produire et quand c’est le cas, les places sont limitées et les candidats nombreux. Dans les petites salles indépendantes, on a parfois la possibilité de faire des co-productions avec dans le meilleur des cas, un partage des coûts et des bénéfices, dans certains autres cas, le groupe doit louer la salle où jouer à un prix parfois déraisonnable. Et même dans ces petites salles on essuie des refus sous le prétexte de « vous ne ramènerez pas assez de monde ».
Nous essayons toutefois de mettre en place quelques dates pour 2025 et nous avons quelques pistes intéressantes (et déjà une confirmation mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant). En tout cas, le groupe tiendra son public informé par le site internet (et autres moyens de communication) dès que les premières confirmations tomberont.
On te laisse le dernier mot pour nos lecteurs.
Je vais revenir sur ce que j’ai dit un peu plus tôt : ne classez pas les choses dans des cases, soyez curieux, osez découvrir, osez aimer ce que d’autres n’aiment pas et faites découvrir vos découvertes.