'Nuit Sauvage', 'Noël (Tombe La Neige)', 'Be Pop', 'Tous Ces Visages', autant de titres qui fleurent bon la deuxième partie des années 80 en France. Auteur de ces morceaux, le groupe Les Avions était resté sur le tarmac pendant de nombreuses années. Bonne nouvelle, le trio se reforme pour une soirée aux Bains Douches le 22 mars.
Chez Music Waves, nous avons l'habitude de commencer nos interviews par cette question : quelle est la question que l'on t'a trop souvent posée et à laquelle tu en as marre de répondre?
Je n'en ai jamais marre de répondre mais la question que l'on me pose le plus souvent, c'est: ''Pourquoi Les Avions?''
Bon, je peux remballer (rires)
Mais je peux y répondre. C'est assez amusant. À l'époque, il y avait des groupes qui avaient des noms sophistiqués comme
Rita Mitsouko, Marquis de Sade, Charles de Goal, Métal Urbain. Nous nous sommes dit qu'il fallait nous distinguer parmi tous ces noms. Jérôme, le batteur, a pensé qu'il fallait adopter un nom générique comme en Amérique. Ça a suivi ensuite puisqu'il y a eu
Les Innocents, Les Ablettes, Les Desaxés. Moi je n'étais pas pour, car mon père travaillait dans l'aviation à un poste de rampant. J'allais très souvent au salon de l'Aviation avec mon père. Cela a beaucoup fait rire les collègues de mon père pendant longtemps que nous nous appelions Les Avions. Récemment quelqu'un a posté un commentaire sur Youtube: ''Les Avions, c'est super mais quel nom à la con.''
Les Avions se reforment pour un concert au Petit Bain le 22 mars. Nous allons y revenir après avoir parcouru les grandes lignes du groupe. Est-ce que quelque chose te prédestinait à la musique?
Oui et non. Ma mère était mélomane, c'était une institutrice qui faisait partie de cette génération d'après guerre, fille d'ouvrier. Il y avait beaucoup de programmes culturels, ses parents allaient à l'opéra et ma mère écoutait beaucoup de musique classique et d'opéras. Cela a certainement formé mon oreille. Mais cela m'a donné le cafard. Quand la pop est arrivée, j'ai vu ça comme un soleil, une musique plus facile d'accès. Ma mère voulait que je sois chef d'orchestre. Bon, je ne suis pas le chef des Avions (rires). Très jeune, ma mère m'avait emmené voir au Styx "Yellow Submarine". Elle a trouvé la musique bizarre. En me trompant un peu de film en pensant voir un dessin animé, j'ai découvert la pop et les Beatles.
Je ne voulais pas être chanteur.
À la base, tu ne voulais pas être producteur?
Avec Jean Nakache, nous lisions beaucoup
Rock And Folk et
Best et nous étions en admiration devant les grands producteurs, Bob Ezrin, George Martin... Nous voulions produire et écrire des musiques. Mais nous nous sommes rendu compte que personne ne voulait chanter nos chansons alors je l'ai fait. J'étais moins bon instrumentiste que Jean. j'ai vaguement joué de guitare. La décision est drôle : je ne voulais pas être chanteur. Je chantais peut-être moins faux que les autres. Un moment en Corse, nous avons pris une jolie fille en stop. On en parlait dans la voiture: qui va chanter ? Alors on a tous chanté en écoutant la radio et la fille a dit: "Je pense que c'est lui qui doit chanter, je préfère sa voix." C'est à partir de ce moment-là que je suis devenu chanteur des Avions. Mais nous ne l'avons jamais revue... Nous avons même eu Catherine Truscelli, la future chanteuse de
Baroque Bordello. Mais elle était plus inspirée par
Patti Smith ou
Siouxsie And The Banshees.
Rendons hommage à cette Corse!
Elle doit probablement se dire: ''Oh, mais quelle erreur ai-je fait!'' (rires)
Tu as crée une multitude de groupes de rock de manière frénétique. Avant les Avions, il y avait Brain Trust. Une particularité, tous les membres faisaient des études. Était-ce une manière non avouée de déserter les amphithéâtres?
Quand nous avons commencé, nous n'étions pas encore en fac. Notre premier concert était à 16 ans et demi. J'étais encore au lycée, j'étais à Jean-Baptiste Say parce que je m'étais fait exclure du lycée Buffon pour agitation politique. J'avais dessiné le directeur en Jaruzelski et ça ne lui a pas plu. Il a eu un accord avec ma mère : ici, c'est plutôt pour les matheux, s'il va à Jean-Baptiste Say, qui est un lycée du XVIème où vont tous ceux du XVème qui se sont font virer, alors nous effacerons son carnet d'adresses. C'est là où je me suis retrouvé dans un lycée plutôt littéraire. J'y ai rencontré Tristan, qui était dessinateur et qui chanterait dans les
Guilty Razors, l'un des premiers groupes punk avant de faire son succès 'Bonne Bonne Humeur Ce Matin'. J'ai aussi rencontré les frères Pérez, qui après avoir fait du punk, ont crée
Bandolero.
La pochette de votre album vous place aux cotés de L'Affaire Louis Trio (plus tard) ou Indochine avec un choix esthétique proche de la BD. Pour le contenu, nous nous retrouvons dans un esprit plus rock new wave (comme Indochine avec qui vous avez tourné).
Voire progressif, un journaliste avait vu du
King Crimson dans notre musique. On avait aussi cité
Pere Ubu, The Feelies. Belle Journée en Perspective, c'était le nom de ceux qui avaient conçu notre pochette. Elle a été exposée à New York.
Dans quel cadre?
Pour une expo de pochettes de disques novatrices. Belle Journée En Perspective avait une ou deux pochettes. Les Américains ne connaissent pas les Avions, mais pas grave. Cette pochette a eu des prix. Cela avait l'air ultra-moderne. Mettre des personnages découpés dans un décor, cela fait 3D mais aujourd'hui c'est de la rigolade. Nous avons dû prendre des pochettes en situation pour la maquette. Ils ont fait de super calculs pour nous photographier.
Nous avons aussi vu XTC et Talking Heads étaient-ce des références que vous revendiquiez plutôt que King Crimson qui était plus inattendu?
Oui, nous avions beaucoup écouté. Moi j'étais plutôt dans l'avant-garde. Le plus pop que j'écoutais c'était
Pink Floyd. J'écoutais les groupes allemands,
Faust, Kraftwerk.
Can?
Can, beaucoup, oui. Jérôme était plutot
Talking Heads, mélange funky, Jean c'était plutot
XTC que j'aimais beaucoup et moi j'étais plutôt
The Stranglers. Patrice, le premier bassiste qui a joué sur le premier album et qui sera bien là au Petit Bains préférait des musiques plus progressives ou le jazz.
Comment avez-vous imbriqué toutes ces influences?
À l'époque, nous ne calculions pas tellement. Nous répétions trois fois par semaine. Un de nos copains avait dans son voisinage une maison inhabitée où nous pouvions faire du bruit. Nous prenions la bagnole du père de Jean et nous répétions de deux à trois heures. À cette époque-là, nous avions fait notre premier concert avec
Rita Mitsouko. Puis nous sommes passés Gibus, au Rose Bonbon et une fois au Golf Drouot. Nous n'allions pas tellement au Bus Palladium, trop au nord.
Donc c'est venu naturellement avec ce son new wave qui émergeait.
Des gens nous reprochaient d'avoir un son de guitare clair. On était encore dans la saturation punk. J'aime beaucoup le premier album qui avait été bien chroniqué à l'époque. Nous jouerons un titre qui devait sortir sur le premier album 'War Games', un texte de circonstances où rien n'a changé depuis 1980. Nous nous sommes inspirés des jeux de rôle du même nom.
À l'issue de cet album, vous perdez votre bassiste...
On se sépare de Patrice Brochery parce qu'il part sur d'autres projets, on prend un autre bassiste qui était aussi d'origine corse. Pierre-André d'Ornano voulait aller vers des musiques plus festives, plus drôles. Finalement comme d'autres groupes... Par exemple,
Spandau Ballet avait commencé avec une musique plus underground et puis on leur a dit de faire quelque chose de plus gai. Avec lui, nous avons fait de nouveaux morceaux. 'Nuit Sauvage' ne devait pas être un single. Nous l'avions mis à la fin avec une voix témoin. Nous avons changé les paroles au dernier moment car Louise Brooks ne devait plus parler à grand monde. Nous avons réécrit le texte pendant les vacances, c'était un bonus. Le gars de chez CBS à l'époque nous avait dit que c'était cette chanson-là qu'il voulait, avec la face B 'Tour Eiffel'. Ça n'a pas été un flop, ça marchait bien en 1985 mais pas assez pour la maison de disques. En mars, elle voulait arrêter les frais mais les grands réseaux l'ont finalement passé. NRJ l'a passé à fond pendant l'été. Le morceau connaissait un rebond au moment où Sony nous rendait notre contrat. Ils ont été obligés de fabriquer parce qu'il y avait une demande et nous avons resigné pour faire plusieurs albums.
Tout allait vite à cette époque!
Les maisons de disques, ce qui les intéressait c'était la vente d'albums. Aujourd'hui, ils ne peuvent plus espérer 750.000 45 tours vendus.
Cette histoire d'amitié en trio, c'était précieux pour vous au moment du deuxième album. Dans certains groupes, chacun veut tirer la couverture vers lui.
Jean Nakache était guitariste mais jouait du piano et un peu de basse. Il faisait les maquettes de la main gauche. Jérôme Lambert s'intéressait aussi aux paroles. Nous avons pris des musiciens additionnels. Nous nous sommes retrouvés dans les studios avec
Martin Circus. Il ne faut pas oublier que c'était un groupe de prog avant de connaître ses succès populaires. Sylvain Pauchard, le claviériste, nous a proposé des arrangements. Nous sommes restés 90 jours en studio grâce à notre producteur Raphael Gimenez. Mais nous n'avions pas encore le concept de "Fanfare" qui est venu au fur et à mesure. Nous avons rajouté des cuivres. Il ne se serait peut-être pas appelé "Fanfare" sans eux.
On y retrouve beaucoup de nostalgie, de l'enfance, comment ressens-tu cette nostalgie-là aujourd'hui? Est-ce que tu sens qu'il y a beaucoup d'attachement des gens à cette époque-là ou que c'est une nostalgie cyclique?
Jean a travaillé dans le monde des affaires, Jérôme s'est lancé depuis plusieurs années dans les films documentaires. Il a même obtenu des prix avec un documentaire "Le siècle des couturières". Moi je n'avais pas grand chose à faire, à part du jardinage pour un paysagiste et un peu d'enseignement. Depuis 2010, j'ai fait les tournées 80 et je vois bien le succès des années 80 commerciales. Non je n'ai pas de nostalgie, je suis surpris que les gens écoutent de la musique du temps passé. J'ai fait un album synthpop avec
Partenaire Particulier et je suis surpris que le gens aiment ce son. On retrouve ce son dans
Weeknd ou
Dua Lipa, qui sont très écoutés aujourd'hui. Sébastien Crepinior, le garçon qui organise le concert, a un groupe qui s'appelle
Vision Paname et qui se retrouve dans ce son.
Cette chanson a un peu chamboulé Les Avions. Comment aviez-vous vécu ce succès?
C'était compliqué car nous nous retrouvions à exercer un autre métier. Nous passions de groupe qui joue dans des festivals à un groupe qui fait énormément de promotion, de télé. "Fanfare" parlait de cela, de l'insomnie. Quand on se retrouve en studio, on ne dort plus beaucoup. Nous n'allons pas nous plaindre, cela nous a permis de faire un album assez riche. On ne pourrait plus faire 90 jours de studio aujourd'hui... En 70 et en 80, on créait en studio. Aujourd'hui le coût de l'album est moins cher et ce n'est plus un travail de groupe.
Mais de vous réduire à ce tube cela a été compliqué.
Oui. Nous avons eu beaucoup de chance. Mais les gens oublient que 'Be Pop' a aussi bien marché mais n'a pas passé l'épreuve du temps.
'Noël (Tombe La Neige)'
Aussi. Mais avec le temps, les gens ne connaissent que 'Nuit Sauvage'. Mais ce n'est pas mal. Ce n'est pas facile à gérer d'avoir un énorme succès mais je ne me plains pas.
Il y a d'autres singles qui sont sortis, en effet ('Tu Changes', 'Fanfare'), mais ils ont eu un succès moindre. Est-ce que tu ne regrettes pas que Sony ait sorti trop de singles qui auraient pu avoir un impact sur la vente du disque?
Non, nous avons eu la chance que les radios nous jouent. Les grosses radios aussi. Monique Lemarcy qui faisait la pluie et le beau temps sur les radios n'aimait pas trop ma voix. Un jour, nous avons fait la première partie de
George Michael deux soirs de suite à Bercy et elle a changé d'avis. À partir de ce moment-là, nous sommes beaucoup passés sur les ondes.
Pour le troisième album, est-ce que la maison de disques vous a mis la pression pour sortir un nouveau tube?
Pour le troisième album, il n'y avait plus de top 50. C'était un album un peu rock, la critique a moins suivi que "Fanfare". Nous n'avons sorti que deux singles, 'Désordre', qui avait été inspiré du film d'
Olivier Assayas du même nom auquel nous avions participé mais surtout 'Tous Ces Visages'. Ce morceau a très bien marché grâce au clip réalisé par l'équipe de Jean-Baptiste Mondino. Nous avons failli sortir un troisième mais nous nous sommes pris la tête avec Sony et nous sommes partis.
"Loin", le troisième album a été enregistré à Barcelone et mixé à New York avec Joe Barbaria (Grand Funk Railroad, Talking Heads, Village People).
Il mixait aussi
The Cars,
Ric Ocasek en solo et
Joe Jackson.
Tu penses que le son américain a pu décontenancer les personnes?
Oui, nous voulions être enregistrés dans des conditions live et nous avons peut-être voulu trop en faire. Mais je trouve qu'il y a des chansons réussies, l'album est moins homogène que "Fanfare". Des gens aiment même "Loin" et ne connaissent pas le premier et le deuxième. C'est un album entre deux chaises mais qui a plu à des gens.
Il y a des morceaux de qualité : 'Trop Tard' avec sa flûte et sa guitare acoustique, le rock enjoué d' 'America', le chant entraînant de 'Vertige'...
'Vertige' parlait des morts dans la pop music.
Nico est morte en tombant de vélo, la chanteuse des
Papas And The Mamas s'est étouffée avec un sandwich : ce n'est pas très rock and roll ! Jérôme jouait un peu de piano et l'écriture était globale, dont 'Vertige'.
Il y avait aussi 'Désordre, inspiré du film d'Olivier Assayas.
'Désordre', c'était une musique du film que nous avons repris. Je suis rentré là-dedans parce que le frère d'Olivier, Mischka a dit à son frère que comme comme j'avais fait de l'enseignement, je pouvais le conseiller pour que le groupe mis en scène ait l'air crédible et que je pouvais proposer quelques chansons pour qu'il puisse les interpréter.
Si tu pouvais revenir dans le passé, est-ce que tu sécuriserais
l'album en sortant un "Nuit Sauvage 2" ?
C'est un peu de ma faute et je regrette d'avoir pris un virage aussi dur. Nous avions un autre album, il se pourrait que nous terminions un jour les autres chansons. Cela allait dans la lignée de "Fanfare." Dans "Fanfare", il y avait aussi des chansons comme 'Publicitaire', qui parlaient de la société. Et des chansons allaient plus vers le rock et je ne sais pas si c'était une bonne idée. Des journalistes nous l'ont reproché, d'autres ont dit qu'il fallait que nous restions à notre place.
Ils ne vous sentaient pas légitimes?
La critique française était compliquée. Gilles Riberolles nous reprochait d'avoir mis du tambourin, de l'orgue Hammond sur 'Désordre'. Et dans le même magazine, il y avait un autre article où il disait tout le bien qu'il pensait de
Tears For Fears "The Seeds Of Love". Nous avions été le voir un jour et lui avons un peu fait part de notre incompréhension. Et il s'en est sorti par une pirouette: ''Oui mais cet article, je l'ai écrit il y a six mois.''
Parfois, on n'est pas très tendre avec les groupes français alors qu'on l'est avec un groupe étranger qui t'invite en concert à Barcelone ou à New York. L'industrie musicale à partir de la mondialisation, c'était de vendre des artistes internationaux. Bruce Springsteen c'est plus important que Jean-Jacques Goldman, qui était pourtant l'un des plus gros vendeurs en France.
Avec ce succès, est-ce que tu as essayé de produire quelque chose?
J'ai produit pour Valli, pour Patrice, le bassiste des Avions, mais ça n'avait pas marché tant que ça. C'est suite à une période assez triste où je n'avais plus de sous et où j'ai signé chez Warner. J'ai fait un album avec
Despair Morgand, j'ai travaillé pour
Dick Rivers entre autres. Tout a coup, les chansons perso ça les intéressait.
Le quatrième album, sobrement intitulé "4", comme si ce chiffre indiquait un terminal de quai, un terminus. A l'origine, il devait s'appeler "Jaz Papillon", un opéra rock à la "Quadorphenia" des Who, mais le projet a été abandonné : pourquoi, et qu'est-ce qu'il reste de "Jaz Papillon" dans "4" ?
... ou "Scottish Opera". Nous avions signé chez Phonogram et nous voulions faire un double. Notre producteur nous a dit: "Les gars, ça ne va pas ?" Cet album est beaucoup moins connu. La nouvelle vague alternative est arrivé avec
Mano Negra et nous étions poussés vers la sortie. Moi, je l'ai trouvé bien. Certes, il n'a pas eu le même retentissement que les trois autres, mais pas grave. Nous allons jouer la seule chanson des
Avions en anglais qui s'appelle 'Mountains', qui était pour une raison inconnue ultra-programmée sur France Inter.
Votre dernier concert a eu lieu au Festival des nuits blanches de Saint-Pétersbourg. Quels sont tes souvenirs de cette soirée et est-ce que tu savais que c'était le dernier concert?
Oui, nous le savions à l'avance. Nous trouvions rigolo de faire des concerts à l'étranger. Nous avions joué deux soirs à Moscou. À Saint-Pétersbourg, nous jouions avec un groupe qui s'appelait
2 Samolet, ce qui voulait dire 2 Avions en russe. La Russie à cette époque était dans une période d'ouverture. Jérôme et moi nous avons failli continuer le groupe mais il a finalement trouvé son bonheur dans le cinéma et moi j'ai commencé à faire des chansons en solo. J'ai eu la chance de signer pas longtemps après en 1995 chez Warner. J'ai eu un éditeur qui m'a beaucoup poussé à sortir des trucs perso.
Est-ce que tu t'es un peu senti à l'étroit dans Les Avions alors que dans ta carrière solo tu as fait des choses plus éclectiques et une certaine forme de liberté : A Band Called Myself (jazz electro), Despert Morgand (rock électrique), Morgenbuzz (rock)...
Avec
Les Avions, nous sortions des morceaux qui marchaient plutôt bien et c'était assez confortable. Après je suis retourné aux studios où nous répétions et j'ai poursuivi mon chemin. J'ai signé au Maquis distribué par Naïve. Un jour, le patron du label Philippe Pierre-Adolphe a écouté mon projet électro et il m'a dit qu'il aimait beaucoup. Je lui ai dit que je n'avais pas encore de nom. Il m'a rétorqué et ça
A Band Called Myself, qu'est-ce que c'est? Je lui ai dit que c'était juste un nom pour rigoler avant d'en trouver un. Il m'a dit que c'était bien comme nom et qu'on pourrait le sortir à l'international. On l'a sorti dans 30 pays. Nous n'en avons pas vendu des caisses mais c'était drôle de vendre ce disque au Mexique, en Slovénie, au Japon. C'est au Japon que deux morceaux se sont retrouvés dans une compilation très importante mais je n'ai jamais gagné le moindre centime dessus. Aux USA, je passais sur le réseau Harmonia Mundi, qui était plutôt axé musique classique, prog, ethniques.
Tu avais une forme de liberté.
Jérôme est venu jouer sur certains titres, Jean aussi sur
Despair/Morgand.
Morgenbuzz c'était une autre histoire. Des jeunes qui s'appelaient Buzz enregistraient dans un studio du 14ème. Leur premier chanteur est parti parce qu'il chantait trop bien selon lui, un deuxième est parti en dépression. J'ai fait le remplaçant et on a sorti l'album sous le nom de
Morgenbuzz. Je revenais plus dans l'univers du départ. Quand je parle des groupes que j'écoutais dans les tournées 80, j'ai l'air d'un extra-terrestre, car ce n'est pas du tout ce qu'ils écoutent. Un jour je leur ai mis
Prophet Of Rage. Il y a un mec qui m'a dit "Ah oui quand même"... J'écoutais
Blue Oyster Cult, Faith No More, System Of A Down...
Tout cela t'a nourri dans tes albums suivants ou pour tes interventions avec l’Éducation Nationale.
On m'a payé pour avoir une bonne culture générale dans la musique. Il y a des musiques que j'écoute moins. Mon fils travaille dans l'électro, le rap. Je me suis mis au rap très tard. Aujourd'hui je suis admiratif des rappeurs français car ce sont les seuls qui parlent de la société comme
Orelsan avec 'Manifeste'. Dans 'Publicitaire', je ne dis pas que le texte est génial, mais ça parle d'autre chose. Nous faisions des chansons d'amour mais pas seulement que, 'Be Pop' c'est rigolo, 'Tombe la Neige', c'est nostalgique. Aujourd'hui je suis étonné des sujets. On a la guerre un peu partout, une société qui se cherche et ne se trouve pas.
Tu penses que ce ne sont pas les médias qui dictent les directions. Tu ne penses pas qu'il y a eu une bascule médiatique qui a mis en avant les musiques urbaines...
Ils ont mis les musiques urbaines à la con. Les jeunes qui écoutent du rock ont des réseaux.
Maintenant avec Internet tu peux accéder à tout. Orelsan tu l'entends mais Mass Hysteria tu ne l'entends pas.
Parfois il y a des clichés sur le show-bizz, quand on avait
Black Eyed Peas matin midi et soir, un gars m'a avoué qu'il vendait bien le single mais pas l'album. Alors que
System Of A Down sans publicité vendait plus d'albums que
Black Eyed Peas et remplissait Bercy.
La quantité ça ne compte pas, j'ai fait des concerts formidables devant
30 personnes, j'ai fait des concerts formidables avec Les Avions devant
8000 personnes. Il n'y a pas de règle dans ce métier.
Hubert-Félix Thiéfaine ça ne passe pas, mais lui aussi a un succès phénoménal.
Il est repassé très tardivement. Il y a des gens qui te disent le mot star. Après j'ai commencé à m'en moquer. Si des gens viennent tant mieux, si on continue tant mieux. Il y a des gens pour qui c'est important et d'autres qui s'en foutent. La quantité ça ne compte pas, j'ai fait des concerts formidables devant 30 personnes, j'ai fait des concerts formidables avec Les Avions devant 8000 personnes. Il n'y a pas de règle dans ce métier.
S'il y avait des règles alors tout le monde aurait du succès. Une rencontre dans l'air du temps.
Nous avons de la chance que les jeunes s'intéressent aux vieux trucs et il y a aussi les gens de notre age. C'est pour cela que les remixes de nos tubes ne marchent pas. Il faut le son d'origine. Ou alors il faut un autre chanteur.
Ou des reprises comme tu as fait.
J'ai fait une reprise de 'Nuit Sauvage' avec les mecs de Groland, une version plus rock.
Et avec Elise Gamet surtout.
Oui, ce n'est pas un hasard. Elise Gamet est la fille de Jean Gamet, qui a fait des disques et qui avait un studio à Tarare L'Hacienda où des grands jazzmen ont enregistré.
Tu t'amusais à faire ces reprises?
Oui, j'adore autant chanter mes chansons que celles des autres. Il y a une version rock de 'Quand J'Étais Chanteur', un peu
glitter qui a bien plu. J'ai même eu un compliment du compositeur de Michel Delpech. Il y a des chansons que j'admire beaucoup dans la variété française.
Comment s'est fait ce choix des chansons?
Quand
Les Avions se sont arrêtés, je me suis remis un peu plus à la guitare. J'ai tourné à Paris, en province et dans le Nord dans des clubs, des bars avec ma guitare et je jouais certaines de mes chansons et des reprises pas toujours très orthodoxes. Les gens aiment bien les chansons originales mais ils ont aussi besoin de reconnaitre certaines chansons. J'ai donc choisi d'enregistrer certaines chansons que j'avais massacrées. Quand je suis rentré dans Stars 80, cela m'amusait d'avoir le grand orchestre derrière moi.
Nous allons parler de cette reformation.
Nous avions été dans un festival au Petit Bains Frenchy But Chic organisé par Jean-Eric Perrin. Jean-Eric Perrin avait posté la première chronique sur Les Avions dans Rock And Folk, dans la rubrique du même nom. Il avait mélangé des groupes des années 80 avec des groupes jeunes qui se revendiquaient de ces années-là. On nous avait proposé de faire un concert new wave avec
Partenaire Particulier et
Alphaville. J'avais aussi fait un duo avec le chanteur d'
Alphaville. Et Jean a dit en plaisantant qu'à la place nous n'avions qu'à refaire un concert au Petit Bain. Le gars qui avait eu l'idée du concert new wave a dit banco. Il y a quelques mois, il nous a rappelé et nous a dit: le 22 mars!
Super!
Donc c'est parti sur une boutade de Jean et finalement nous nous retrouvons en concert.
Comment vous êtes vous mis d'accord sur les chansons?
Après deux mois d'engueulades pour un répertoire qui est désormais stabilisé. Il y a quasiment l'intégralité du premier album, il y aura l'album "Fanfare" ainsi que les deux suivants, deux inédits, une reprise surprise. Le bon panorama d'ensemble avec deux musiciens additionnels.
Les deux inédits ne sont jamais sortis ou ont été composés à cette occasion?
Ils ne sont pas sortis à l'époque et n'ont même pas fait l'objet d'un concert ou d'un enregistrement. Nous pourrions les enregistrer. L'idée la plus simple c'est de rajouter sur les sorties digitales, un morceau sur le premier ou sur "Fanfare". Des gens voudraient que nous fassions un vinyle.
Ou un nouvel album?
(rires) Ce n'est pas impossible non plus. Mais je ne veux pas dire de bobards aux gens.
Toi, tu aurais envie?
Oui tout à fait. Moi j'ai amené des chansons, après on composait avec les gens. Les meilleurs morceaux, ceux qui ont le mieux marché, ce sont ceux que nous avons fait ensemble. Mais nous n'en sommes pas encore là, ce qui compte c'est le concert du 22.
Comment tu appréhendes ce retour? Quel a été ton état d'esprit en répétition : de la nostalgie, du regret de ne pas l'avoir fait plus tôt?
Je joue
Les Avions tout le temps depuis dix ans, partout. Il y a des morceaux à moi qui n'iraient pas dans
Les Avions. J'ai fait chanteur de groupe rock et chanteur de variété. J'ai fait un duo avec
Lio sur 'Dieu Est Un Fumeur de Havane'. Je prends du plaisir, c'est grand public. Chanteur des
Avions, c'est une autre position, c'est la musique du groupe que tu représentes, pas toi. C'est reposant pour moi car moins perso.
Nous avons commencé l'interview par la question que l'on t'a trop souvent posée et quelle est celle à laquelle tu aurais voulu répondre et que tu aurais aimé que je te pose.
Je fais beaucoup d'interview en ce moment pour les Avions. Des fois, on m'envoie des questions à l'américaine. Ce qui m'intéresse, c'est l'imprévu, sinon si je sais trop à l'avance, je vais m'ennuyer. Non, il n'y a pas de questions que j'aurais aimé qu'on me pose. J'ai travaillé sur une émission télé sur Culturellement Chaud sur la musique. J'aime parler de la musique des autres. Ce qui est intéressant, c'est de laisser parler les gens. Un bon réalisateur c'est quelqu'un qui pousse les artistes dans la direction vers laquelle ils aimeraient aller. Mais je n'ai pas de questions interdites comme chez Thierry Ardisson.