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TITRE:

IHSAHN (23 NOVEMBRE 2023)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

METAL PROGRESSIF



Music Waves est allé à la rencontre d'Ihsahn, figure incontournable du black metal dans le cadre de la sortie de son nouvel album sobrement intitulé "Ihsahn & Ihsahn"
ADRIANSTORK - 02.02.2024 -
9 photo(s) - (0) commentaire(s)

Music Waves a rencontré Ihsahn, figure incontournable du black metal norvégien. Celui-ci nous revient avec "Ihsahn & Ihsahn" un double album exigeant, riche, mettant en avant de sublimes éléments orchestraux.





A un jour près, nous nous sommes rencontrés il y a exactement sept ans... Sept ans, c'est long... A cet égard, comment as-tu vécu la période liée au Covid ?


Ihsahn : Pendant le Covid, il n'y avait plus de séance photo, plus de concert. C'est pour cela que j'avais peut-être tendance à ne plus me regarder dans le miroir de ma salle de bain. Ma femme est bien contente que je fasse des interviews parce que cela me permet de prendre mieux soin de mon apparence (rires).


Encore ta femme! Nous avions terminé notre dernier entretien sur le fait que ta femme a joué un rôle prépondérant non seulement sur ta vie personnelle mais également sur ta vie artistique. C'est assez rare d'entendre cela.

Pas tout à fait. Nous avons joué ensemble dans le même groupe Peccatum. Ma belle-mère est musicienne. Le plus jeune frère de ma femme est le chanteur de Leprous. La musique respire dans cette famille, donc c'est très naturel. Ma femme s'occupe des affaires de management pour moi, nous composons ensemble et elle écrit aussi de son côté.


Ton actualité c'est la sortie de ton nouvel album "Ihsahn & Ihsahn". Peux-tu nous parler du concept de ce nouvel album? Est-ce que le fait que celui-ci s'appelle doublement Ihsahn signifie que cet album te ressemble dans toute ta dualité?

On m'a souvent dit qu'il était astucieux pour un artiste de nommer un album avec son seul nom mais ce n'était pas mon intention ici (rires). Lorsque j'ai voulu faire cet album, j'ai pensé aux éléments pour lesquels j'avais le plus d'expérience et en essayant de placer des morceaux orchestraux. C'est ce que je fais depuis mon travail avec Emperor. Cela reflète mon savoir-faire mais je recherche toujours une nouvelle manière d'apporter de nouvelles couleurs à la musique tout en gardant un équilibre classique : orchestral-symphonique/metal.


Je voulais que ces deux éléments fonctionnent ensemble mais aussi individuellement.




En ce qui concerne cet esprit orchestral symphonique, est-ce que tu veux aller plus loin que ce qu'un groupe comme Metallica a pu faire pour le public metal avec leur album symphonique.

Non, ce n'est pas tout à fait cela. Il s'agit de faire rencontrer deux éléments qui à première vue ne pouvaient pas cohabiter. Pour moi, le metal c'est très puissant, très bombastic. Pourtant très souvent ceux qui veulent mélanger ces deux genres l'ajoutent dans le même espace, ce qui a pour conséquence de ne pas laisser suffisamment de place au deux. Quand je compose, je dessine des croquis, je choisis  de mettre ici les guitares en avant et l'orchestre sera à l'arrière-plan. Pour cette séquence, c'est l'orchestre qui pourra prendre le dessus et donc la guitare sera plus discrète. C'est assez fonctionnel en fait. Ce que je voulais c'était de me lancer un défi en réunissant les deux et en essayant de l'enregistrer comme une bande originale dans le contexte de la production metal. Je voulais que ces deux éléments fonctionnent ensemble mais aussi individuellement.


Tu nous parles de bande-annonce mais as-tu caressé l'idée de faire un film pour promouvoir cette musique?

(il hésite).


Pourquoi pas? Cela ne peut que fonctionner.


Non, ce serait une idée trop traditionnelle dans le monde moderne de la musique. Cela découle de tous les grands compositeurs des bandes annonces classiques comme John Williams ou Jerry Goldsmith . Mais j'aimerais le faire un jour mais peut-être plus pour un projet spécifique. Dans un film, le rôle de la bande-originale n'est pas central et doit seulement appuyer l'histoire. Mais si un réalisateur suffisamment cinglé me contacte pour signer la bande-annonce de son film, je ne fermerais pas la porte. Et je pourrais même me contenter du travail orchestral.


Ce nouvel album est un album-concept. As-tu décidé de manière définitive à n'écrire que ce qu'il y a dans ta tête et d'ignorer l'ère de la playlist que nous connaissons?

Je pense que cet album de 2024 coche toutes les mauvaises catégories. J'exige beaucoup de la part de mon public et pas seulement 30 secondes d'écoute. Un double album, non deux albums parallèles avec deux histoires différentes mais interconnectées avec des thèmes qui reviennent. En gros, j'ai tout raté (rires).


C'est l'imagination qui m'a toujours servi de guide pour recréer ce que j'entendais.




Déjà à l'époque d'Emperor, le groupe se distinguait par ses thèmes et son côté plus intellectuel. Disons 'Arktis' et 'Das Seelenbrechen' étaient exigeants et très éloignés des thèmes du rock classique. Comment expliques-tu cette quête intellectuelle que tu poursuis depuis ton plus jeune âge?

Intellectuelle ? Je pense que tu es trop gentil. C'est plus de l'ordre de la curiosité et de la passion. Ce n'est pas pensé pour être intellectuel ou complexe. J'ai commencé à enregistrer mes premières chansons à 11 ans sur un magnétophone. Nous n'avions pas de bibliothèque de son à l'époque mais j'avais mon clavier. Je ne connaissais aucune théorie musicale, je n'avais pris aucun cours de musique. C'est l'imagination qui m'a toujours servi de guide pour recréer ce que j'entendais. En pratiquant de plus en plus, j'ai réussi à me rapprocher le plus près de mon but.


En fin de compte, ce concept a été une étape logique dans ta carrière d'auteur-compositeur? As-tu dû franchir un certain nombre d'étapes avant de pouvoir sortir cet album?

Oui, tout à fait.


Rétrospectivement, tu vois une évolution logique?


Lorsque ma collaboration avec Emperor s'est terminée, j'ai dû recommencer à zéro avec mon premier album solo. C'est pour cela que les trois premiers albums solo commencent par un A. À la base, je voulais faire trois albums. Les deux premiers sont construits sur une influence metal mais ont commencé à incorporer de nouveaux éléments. Le troisième avait des guitares, des saxophones et un esprit plus expérimental. Cela m'a permis de comprendre que j'avais désormais une nouvelle plateforme pour ma musique et que je pouvais l'entraîner vers de nouvelles directions. J'ai fait des albums plus expérimentaux comme "Das Seelenbrechen", j'ai improvisé, j'ai ajouté plus de synthés sur "Àmr".  J'aime retrouver cet esprit aventureux en faisant un album comme si j'avais 16 ans. En fait, je veux qu'un nouvel album m'effraie, que j'apprenne de nouvelles connaissances et que cela soit très frénétique. Et cette fois-ci, je suis revenu à la source du black metal pur orchestral avec mon expérience, avec les nouveaux éléments techniques que je n'avais pas à disposition à l'époque et que je peux désormais utiliser de façon plus approfondie.


Ce genre d'œuvre est souvent incompris. Je pense à "Lulu", dont Lou Reed était très fier et qui n'a pas été bien accueilli. Est-ce que tu as cette peur en toi de ne pas réussir à être bien accueilli?

Je n'ai jamais eu le privilège ou la malédiction de dépendre de l'attente des gens. J'ai commencé en jouant du dark metal. A l'époque, tout le monde détestait cela : ''C'est horrible, c'est le pire genre de metal''. C'est ridicule. J'ai la chance de faire un album et mon label va le sortir. Je vais faire de mon mieux pour enregistrer quelque chose qui me rende le plus fier possible. C'est ma façon d’être reconnaissant envers ceux qui écoutent ma musique en leur offrant ce que je peux faire de mieux à ce moment-là. "J'ai envie de faire cet album mais si je privilégie cette orientation, je pourrais toucher plus d'auditeurs.'' C'est une approche trop commerciale et dans le metal, ces choses-là se voient comme le nez au milieu de la figure. Je pense que c'est un bon deal. Ceux qui me suivent ne savent pas ce qu'ils vont avoir mais ils comprendront que mon approche est honnête, que c'est vraiment l'album que je veux faire.





Ce qui est intéressant, c'est que tu as toujours maintenu une dualité, le black metal reste l'influence principale, le centre névralgique. Il n'était donc pas possible pour toi de te passer de cette noirceur artistique?


Les grosses guitares et les cris, c'est la façon la plus naturelle pour moi de m'exprimer. Un peintre utilisera toujours le même pinceau, il peut utiliser différentes toiles, différentes palettes mais son outil reste le même. Cela fait partie de lui. Je n'ai pas envie de m'exprimer comme quelqu'un d'autre mais toujours à ma façon en privilégiant de nouvelles voies. Cet album est un bon exemple, l'histoire est classique. John Campbell, le héros, n'essaie pas de révolutionner les règles. C'est une tragédie, l'amour, l'existence humaine universelle que nous vivons. Beaucoup d'artistes partagent cette expérience mais ce qui les différencie tous de cette expérience commune, c'est qu'ils le font avec leur propres mots, leurs propres sentiments, leur propre existence. Il y a beaucoup de sentiments sur lesquels il est difficile de placer des mots.


Faut-il y voir un syndrome de Peter Pan, évoluant mais gardant un lien fort avec les racines, les origines du tout que tu composes?

Il est difficile d'échapper à ce que l'on est. Même si nous essayons.


Une autre question que l'on doit souvent te poser, c'est pourquoi tu gardes ton pseudonyme alors qu'on aurait pu penser que tu avais utilisé ton nom de baptême au lieu de ton nom de scène ?

(Surpris) Pour moi ce n'est qu'un surnom. Lemmy n'est pas baptisé Lemmy non plus. Pour beaucoup d'Anglais, c'est plus pratique de prononcer mon pseudonyme que mon vrai nom (rires).


Cette fois-ci, j'ai approché l'écriture comme celle d'un script de film.




En parlant de racines, la nature et la spiritualité jouent un rôle majeur, en particulier sur la pochette et dans la vidéo que nous avons pu voir. Comment as-tu été impliqué dans ce parcours humain ?

J'ai écrit des paroles qui sont personnelles. J'y pense de façon cinématique, comme une histoire. Quand j'ai fini cet album et que je le fais écouter à des amis, eux n'avaient pas les paroles, ils ne savaient pas que c'était un album concept mais ils ont eu l'impression de voir un film et d'avoir eu des images dans la tête. Pour moi, c'est mission accomplie. Ils n'ont pas besoin de comprendre l'histoire mais ils doivent sentir qu'il y a une progression, un début et une fin. Cette fois-ci, j'ai approché l'écriture comme celle d'un script de film. Je veux de plus en plus séparer ma personne de la musique. Je veux créer quelque chose qui soit intéressant per se et pas parce que c'est moi.


Pour revenir à la musique, proposer de l’orchestral est devenu commun dans le rock et le metal et disons le : hautement casse-gueule, n’as-tu pas craint devant l’ampleur de la tâche?

Oh oui, je l'ai beaucoup regretté, c'était vraiment très dur.


Mais tu es satisfait du résultat?

Oui bien entendu, je n'arrive toujours pas à croire que j'ai réussi à le terminer. Je suis si fier !


En tant qu'artiste tu aimes te lancer des défis, nous en avons parlé au début de cette interview, tu avances par paliers. Quel serait le prochain? Tu as déjà accompli deux chefs-d’œuvre...

C'est gentil de ta part.


Mais tu veux pourtant aller plus loin?

C'est pour cela que c'est gratifiant, c'est l'album le plus difficile que j'aie enregistré et c'est encore plus gratifiant. A ce moment-clé de ma carrière qui a duré presque 30 ans, à l'âge de 48 ans, je peux encore apprendre énormément. J'ai l'impression de grandir dans mon art. En général, j'avance par petites enjambées en ajoutant un nouvel élément mais cette fois-ci, j'ai porté sur moi quelque chose d'encore plus lourd que je n'aurais pu imaginer porter. C'était un défi de taille pour quelqu'un qui n'a pas d'éducation musicale. Pour certains, ce serait basique mais pour moi, c'était une lourde tâche.


Se lancer dans l’orchestral c’est affronter des siècles d’excellence musicale, on ne sent pas tout petit finalement quand on se lance?

Tout à fait. C'est d'essayer d'ajouter des textures orchestrales et des couleurs à ma musique en pensant à ce qui avait été fait avant. Mais je ne me comparerai pas aux autres, car c'est seulement ma version. À la fin du processus, je me sens encore plus motivé à l'idée d'enregistrer l'album suivant avec de nouveaux buts à atteindre et de nouvelles satisfactions. Je suis très reconnaissant de connaître encore ce niveau de joie dans mon travail même après toutes ces années.


À cet égard, quand on regarde l’ensemble de ton œuvre, on pense à une œuvre littéraire en musique, qu’en penses-tu?


J'ai toujours trouvé que l'écriture des paroles était plus compliquée que de composer la musique.


Mais pas seulement les paroles, tous tes albums sont comme des livres, comme un écrivain...


C'est vraiment très gentil de ta part mais je pense que tu exagères un peu. J'essaie toujours d’être satisfait en écrivant les paroles, j'essaie de faire de mon mieux.





Mais as-tu pensé à étendre tes idées musicales dans l'écriture d'un livre parce que comme un roman, un opéra, une pièce de théâtre, nous pouvons t'imaginer devenir plus tard un dramaturge très éloigné de la musique. Est-ce que cela semble une évolution naturelle pour toi?


Non, je ne me vois pas essayer d'écrire un livre ou une pièce de théâtre ou un film, c'est au-delà de ma force.


Donc ce serait impossible pour nous de t'imaginer dans ce rôle en suivant les pas de Carpenter, Williams ou Goldsmith pour écrire des bandes originales?

Oui, des bandes originales j'aimerais beaucoup mais je ne me vois pas écrire de scénario pour le cinéma.


Lorsque nous écoutons ta musique, des images naissent dans notre esprit et nous pouvons faire nos propres histoires. Et tu ne voudrais pas aller plus loin?

J'écris une histoire en premier lieu comme synopsis, et toutes les paroles découlent de ce récit, et c'est pareil pour les vidéos qui suivent cette logique. Mais ce n'est pas complet, ce n'est pas comme voir un film.


Cet album est une œuvre gigantesque, penses-tu pouvoir la reproduire sur scène?

Je l'espère. Bien entendu, l'idéal serait d'avoir le meilleur orchestre.


Peut-être pour une occasion unique?

Oui si j'étais Metallica (rires). J'ai fait des recherches. Pour que cela vaille le coup et que le travail soit bien retranscrit, il faut bien débourser au moins 100.000 euros. Pour organiser les répétitions, sélectionner le bon orchestre. Malheureusement, ce n'est pas mon budget. Et avec un orchestre, il faut travailler encore plus longtemps pour être certain que la musique passe bien car celle-ci n'est pas écrite pour ce genre de format. C'était très compliqué à écrire pour moi mais cela m'a permis d'apprendre. Ce serait trop difficile et coûteux à retranscrire avec un véritable orchestre. Mais j'avais pensé à remplacer certaines parties orchestrales par des guitares car c'est la même musique au final. Le public a le sens du grand spectacle, il aime bien être stimulé en concert, que ce soit avec des projections vidéos ou des effets musicaux qui intensifient l'aspect théâtral.


Je veux qu'un album s'écoute non pas comme une collection de chansons mais comme un ensemble cohérent.





As-tu des attentes pour cet album et à ce point de ta carrière as-tu encore des attentes?

La seule attente que j'ai, c'est pour moi. Je serai très satisfait si cet album rencontre son public. Et ainsi mon label sera aussi très satisfait et il m'accordera une avance pour enregistrer le suivant (rires). En fait, j'ai l'impression d'avoir un plan directeur dans mon inconscient qui me fait reproduire le même album parfait selon moi avec des schémas que l'on retrouve dans tous mes albums: de grosses intros, des chansons avec des éléments épiques... Je veux qu'un album s'écoute non pas comme une collection de chansons mais comme un ensemble cohérent : tu écoutes les guitares, tu regardes la pochette, tu vois la vidéo, tout est cohérent. Tout le monde peut avoir accès à tous ces éléments et chacun peut avoir sa propre interprétation. Rien n'est laissé au hasard. C'est très important pour moi, même si c'est complexe, cela doit rester cohérent.


Merci !

Merci à vous.


Et merci à Noise pour sa contribution...


Plus d'informations sur http://www.ihsahn.com
 
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