A l'écoute de ce premier album d'Astrayed Place, certains d'entre nous diront que le nom du groupe sied parfaitement à sa musique tant elle pioche dans différents genres mais les plus patients trouveront en "Edge of the Mist" un album d'une incroyable richesse qui devrait permettre au groupe de sortir de la brume...
Quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée et à laquelle
vous auriez marre de répondre ?
Loïc : Vu qu’on commence le processus…
Alexandre : Ce sont les premières interviews qu’on donne, on ne
nous a pas encore trop posé de questions…
Il y a le côté fierté d’avoir sorti un album
Vous me direz à l’issue… Votre actualité est la
sortie de "Edge of the Mist" après deux EP ("Memento Mori" en 2018 et "The
Fall" en 2020), pourquoi ne pas voir poursuivi sur cette voie d’EP qui semble
être devenue la norme actuellement dans l’industrie ?
Alexandre : J’ai envie de dire qu’il y a le côté fierté d’avoir sorti un album.
Maxime : Il y a beaucoup d’EPs qui sortent aujourd’hui et ce n’est
pas forcément une direction à prendre obligatoirement…
Ce n’est pas forcément une direction à prendre mais c’est un mode de
sortie qui correspond bien au mode de consommation actuel de la musique…
Maxime : Franchement, c’est totalement vrai mais je pense que Loïc sera
d’accord avec moi avec la comparaison avec les films : préfère-t-on
un film qui va mettre du temps à sortir mais qui sera bien ou préfère-t-on
avoir le film vite mais sans qu’il soit réellement terminé ?
Très bonne réponse... Astrayed Place a la particularité d’avoir sept membres
dans le groupe…
Loïc : Six aujourd’hui mais pour "Edge
of the Mist", nous étions effectivement sept !
Le but de l’album était d’explorer
des styles différents entre chaque morceau
… et plusieurs chanteurs. Cela ouvre de multiples
choix possibles, notamment en termes de concept. Ce premier album a-t-il
était conçu ainsi ?
Alexandre : Je dirais que c’est encore plus large que ça, parce que le but de l’album était d’explorer
des styles différents entre chaque morceau. Effectivement les trois
chanteurs font des choses différentes, sachant que Clément, Sylvain et moi avons
chacun nos registres de prédilection. Même si on essayait d’explorer, on est quand
même un peu restés sur nos marques et en essayant surtout d’exploiter ces
trois directions. Mais après, au sein des morceaux, on a voulu explorer, tester
en fait…
Avec les deux autres chanteurs, cela doit être la guerre
pour vos interventions ?
Alexandre : Je ne dirais pas la guerre mais
je comprends, dans le sens où il y a des moments où quand on doit se répartir le
chant, s’il y a un chanteur qui est solo sur le morceau, généralement, ça ne
pose pas de problème sachant que le morceau en question colle bien au registre
du chanteur en question : Sylvain a deux morceaux en solo, là où Clément et
moi en avons un chacun…
Mais la question se pose plus quand il faut répartir
le temps de chant sur un morceau parce que ça peut être très frustrant -surtout
sur scène- de faire une intervention qui va faire 20 secondes alors qu’un autre
chanteur va faire le
show pendant deux minutes… Disons qu’on s’en
accommode et quand ça pose vraiment problème sur scène, on trouve une astuce
pour prolonger le temps d’un chanteur sur scène… On arrive toujours à trouver un
équilibre parce que ça peut effectivement générer des frustrations mais jamais
un conflit : on arrive toujours à s’en sortir !
L’album contient 10 titres pour 45 minutes avec notamment
une intro d’un peu plus d’une minute puis une alternance de titres plutôt longs
(‘Inert City’, ‘Broken Flower’) et d’autres courts (‘Waves Of Pain’,
‘Voiceless’). Est-ce que cette architecture a été réfléchie dans ce sens ?
Loïc : Je pense que c’est plutôt le résultat du fait d’avoir voulu de la
diversité. ‘Inert City’ est un morceau inspiré du progressif donc on va dire qu’il
est logique qu’il soit long (Sourire)… ‘Broken Flower’ est un morceau qui
découle d’un texte et comme le texte était long... Après, tout est question de
feeling…
Le groupe est hétérogène donc les morceaux sont hétérogènes !
Votre style est d’en compiler plusieurs, passant
du néo metal à la Slipknot à du djent à la Periphery, du metalcore parfois… ce
décloisonnement fait-il partie de votre ADN - quitte à perdre certains auditeurs
en route ?
Alexandre : Je pense que ça fait partie de notre
ADN : comme nous étions sept à l’origine et nous avons tous des
influences très différentes, c’est la croix et la bannière pour contenter
tout le monde : il y a des morceaux qui vont plus plaire à certains et
moins à d’autres… Mais je dirais que cette diversité des genres est une manière
de contenter tout le monde : le groupe est hétérogène donc les morceaux sont hétérogènes !
Mais avez-vous conscience que cette hétérogénéité peut
nuire à l’écoute de votre album dans son intégralité puisque déstabilisant ?
Loïc : Clairement !
Alexandre : On en est assez conscients mais j’ai
envie de dire que finalement, on essaie d’avoir un résultat qui nous convient !
Si on commence à réfléchir la musique uniquement en termes commercial et quête du succès, je pense que c’est une manière de travailler qui peut être
très frustrante surtout si après avoir fait ces ajustements, on ne rencontre
pas le succès, ça peut engendrer plus de frustration… parce que si on se plie
au marché et que finalement, on n’en tire rien : on n’aura pas fait ce qu’on
aime et en plus, on n’en aura pas retiré de gain !
Admettons que nous ne tirerons jamais de gain financier
de notre manière de procéer, mais au moins, on en aura tiré quelque chose personnellement !
Loïc : Je pense que ce n’est
pas une question de commerce mais plutôt d’expérience utilisateur et la façon
dont les gens écoutent la musique. Personnellement, parfois, quand j’écoute des
albums dans leur intégralité, il y a des choses un peu redondantes, et je trouve
que le fait d’avoir autant de diversité retire cet aspect !
Faire ou non partie de l’industrie
est une chose à laquelle je ne réfléchis pas.
Justement, cette densité que vous proposez semble être aux
antipodes des standards actuels de l’industrie musicale où on retrouve
effectivement des albums avec des titres soit redondants ou de remplissage.
Dans ces conditions, vous sentez-vous un peu à part ?
Maxime : A part dans le sens où on ne va s’enfermer dans un style :
bien sûr ! Mais sinon, on ne sent pas pour autant à part, on essaie juste de
transmettre ce qu’on a envie de transmettre et d’être un peu original !
Alexandre : Mais nous considérons-nous au sein même de l’industrie ?
Je persiste et je signe : l’important est de faire ce qu’on aime ! Faire ou non partie de l’industrie
est une chose à laquelle je ne réfléchis pas.
Il y a beaucoup de passages mélodiques notamment sur les
titres ‘Reflections’, ‘Inert City’ dans votre album. Les concevez-vous comme
des portes d’entrée accessibles pour rentrer dans un univers plus complexe ?
Maxime : C’est une chouette question…
Loïc : Il y a un peu de ça, mais ce n’est pas spécialement réfléchi :
ça doit venir de l’influence Linkin Park…
Alexandre : Il y a aussi ce côté lié à la question précédente et
au registre des chanteurs. Si Clément était polyvalent entre ses gros
screams
aigus et sa voix mélodique et la spécialité de Sylvain est le
growl très lourd, de mon côté, je vais préférer le mélodique même si j’aime bien
growler
un petit peu : du coup, tout ça peut créer cette porte d’entrée… Mais tout
ceci n’a pas été pensé, c’est juste le résultat de différentes influences et différents
goûts de chacun…
'Horizons’ représente le titre le plus accessible avec un
chant en français. Pourquoi ce titre en français et son placement au milieu de
l’album ? Est-il le fruit du hasard et si non, pourquoi ?
Alexandre : Ce n’est pas du tout le fruit du hasard (Sourire) !
A la base, ‘Horizons’ est une démo qui devait être un interlude calme dans l’album.
Mais pourquoi le chant en français ? Ça vient de moi qui ai beaucoup, beaucoup
insisté pour avoir au moins un chant en français. Je suis le principal parolier
du groupe et l’écriture en anglais me plaisait beaucoup au début quand je
découvrais mais plus j’avance et plus j’ai l’impression de tourner en rond, de
ne pas progresser…
Tu es en train de donner des indices sur le futur album…
Alexandre : Dans le futur, oui et non… Mais c’est sûr que ça ne deviendra
pas la norme dans le futur. Mais ça dépend pas mal des instrumentations :
il y a des morceaux où je vais être beaucoup plus inspiré en anglais qu’en français
et inversement… Je peux parler de cette anecdote, à la base, j’avais écrit les
textes de ‘Inert City’ en français. Je n’avais prévenu personne et j’ai juste
balancé les textes. J’ai eu des retours mitigés, on va dire, mais j’ai fait
comprendre que j’avais besoin d’expérimenter et d’essayer d’écrire des textes
en français. Vu que ‘Horizons’ était censé être un interlude calme, on avait
prévu que s’il y avait du chant, je chanterais dessus et comme je voulais
écrire en français… tous ces facteurs ont fait qu’on a cette chanson en
français au milieu de l’album…
Maxime : … et il a eu raison parce qu’encore une fois, c’est original !
Malgré sa diversité, l’album est globalement sombre. Est-il
le fruit de la société actuelle ? Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
Alexandre : Je n’ai pas été le seul à écrire
sur cet album et ce serait également intéressant d’avoir les retours de Clément
et Sylvain. Mais globalement, il y a beaucoup d’expérience de chacun… Je vais
essayer de reprendre les termes précis de Sylvain -puisqu’on en avait parlé- il
y a un texte qui a été influencé par la tentative de suicide de sa mère, il y a
un deuxième texte qui est inspiré par l’histoire d’une amie à lui qui s’était
fait violer… Ce sont des thèmes personnels qui sont très lourds !
Clément est toujours resté très discret sur son
ressenti mais personnellement, je pense pouvoir dire que dans le groupe, j’étais
un de ceux qui étaient le plus proche de lui et j’ai toujours senti qu’il
renfermait des chagrins et des failles qu’il n’osait pas partager autrement qu’à
travers ses textes…
Et pour parler un peu de moi puisque j’ai beaucoup parlé
de mes collègues, j’aime beaucoup les thèmes de la mélancolie, de l’introspection
et ‘Inert City’, je l’ai écrit en plein confinement, à un moment où je broyais
un peu du noir. Il y a beaucoup de morceaux que j’écris en étant dans ce
mood
et ça s’en ressent…
Que ce soit dans la musicalité que dans les diverses
interprétations du chant, qu’il soit clair ou extrême, concevez-vous votre
projet comme très cinématographique ?
Loïc : C’est quelque chose que j’aimerais
mais ce n’est pas le cas actuellement…
Maxime : … mais ça veut surtout dire que
certaines personnes comprennent notre démarche !
Loïc : C’est une direction vers laquelle j’aimerais
bien aller…
Justement, pour l’instant, vous n’avez pas de clip alors
que c’est quelque chose d’important pour soutenir une promotion. Comment expliquez-vous
cette absence et avez-vous conscience que c’est pénalisant pour votre visibilité ?
Maxime : C’est pénalisant mais on attend surtout d’avoir
la bonne occasion d’être vraiment fixé sur quel type de clip on veut faire,
quelle musique choisir… sachant que c’est un budget, une logistique et c’est
quelque chose qu’on n’a jamais fait !
Loïc : Vu qu’on n’est pas réellement connus, sortir des choses que
ce soit au début de la sortie ou à la fin, ça ne changera pas grand-chose donc on
a tendance à prendre un peu notre temps pour faire des choses un peu nouvelles…
On a terminé notre apprentissage !
Et finalement qu’attendez-vous de ce premier album ?
Alexandre : J’ai envie de dire que les gens l’écoutent (Rires) !
Loïc : Mais personnellement, j’attends plus du prochain album que
de celui-ci qui est vraiment un apprentissage ! Pour moi, on a terminé notre apprentissage !
Maxime : C’est comme une grosse intro (Rires) !
Alexandre : Deux EPs et un album, c’est un très, très grosse intro
(Rires) !
Loïc : Mais oui, on va essayer de travailler dessus dans les
prochaines semaines et les prochains mois…
Alexandre : On a beaucoup d’idées en attente…
Des idées pour le prochain album ?
Maxime : Et pour celui-là également au niveau des
lives
ou des
lyrics vidéos…
Alexandre : On a beaucoup de projets en parallèle…
Maxime : On a plein de projets en parallèle mais en vrai, le
principal blocage est le temps et l’argent (Sourire)… Mais ce sont des épreuves
qu’on va surmonter. Ce n’est pas qu’on prend tant notre temps mais c’est juste
qu’on ne peut pas aller plus vite pour l’instant…
Alexandre : Et on essaie de prioriser un petit peu. On a un concert
qui arrive le 28 mai : il y a donc tout ce travail à faire parce qu’on
aimerait y jouer de nouveaux morceaux et cela demande beaucoup de travail d’apprentissage…
Si on avait plus de temps, on ferait tout ce qu’on aimerait faire mais…
… aujourd’hui vous êtes axés sur le travail pour préparer vos
prochaines dates et notamment celle du 28 mai…
Alexandre : Exactement !
On a commencé par la question qu’on vous a trop souvent posée au contraire
quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ou à laquelle vous rêveriez
de répondre ?
Alexandre : (Rires) Sacrée question !
Maxime : C’est compliqué !
Alexandre : Oui, c’est une sacrée colle !
Puisque vous semblez bloquer, je vous propose d’y réfléchir et lors de
notre prochaine rencontre, nous commencerons l’interview par cette question et
votre réponse…
Alexandre : C’est parfait (Sourire) !
Merci
Astrayed Place : Merci à toi !
Et merci à Calgepo pour sa contribution...