Olivier Gadet : Les presque 2 ans du confinement ont mis un vrai coup d'arrêt à la profession de musicien. Il fallait continuer à travailler, à créer. Alors, deux morceaux ont été enregistrés à distance, comme ça, pour s'amuser, avec les compagnons de route qui correspondraient le mieux aux styles de ces compositions. Devant un petit succès d'estime, cela m'a donné l'idée d'aller plus loin.
Est-ce que le confinement n’a pas été un frein justement pour mettre en place un tel projet ? Pas de possibilité de se réunir pour répéter, plus difficile d’écrire des morceaux et de les arranger à distance, et incapacité d’aller en studio pour enregistrer, à moins de tout faire chez soi.
Olivier : C'est exactement ça. Tout a été fait avec les moyens de chacun, à distance, en enregistrement, arrangement et captation vidéo. Donc un résultat plutôt amateur. Mais là n'est pas l'important. C'est la qualité d'interprétation des musiciens qui prime et nous avons trouvé que pour avoir fait cela chacun de son côté, le résultat était très encourageant.
Olivier Gadet, chanteur, guitariste, auteur et compositeur, tu es en quelque sorte le leader ou en tout cas l’initiateur du projet. Comment le choix des musiciens a-t-il été opéré ? Vous aviez déjà collaboré sur des projets précédents ?
Olivier : La musique est la plupart du temps une histoire de partage. Quand on crée un projet, on fait souvent appel aux amis, aux connaissances avant de passer des annonces. Le projet Strange Lab devenant exigeant au niveau musicalité, j'ai contacté les personnes proches les plus susceptibles de correspondre. Tout le monde a accepté. Cela fait plaisir. Je connais Eric Halter (basse) depuis l'adolescence car nous avons fait nos premiers groupes ensemble et bien d'autres par la suite, dans tous les styles. Nous avons vécu avec Fabien Tournier (batterie) l'aventure Rockbox (2009-2020), fanfare rock atypique qui nous a conduit à beaucoup tourner et à faire de prestigieuses premières parties (Deep Purple, Scorpions, Manu Chao...) : ça crée des liens ! Depuis une quinzaine d'années, nous travaillons également régulièrement 2 à 3 fois par an avec Greg Aguilar (pianiste) sur des projets théâtre-musique pour enfants.
As-tu composé les morceaux de l’album en sachant qui seraient tes partenaires ? Ou étaient-ils déjà écrits avant même de savoir qui composerait Strange Lab ?
Olivier : Quelques-uns étaient écrits il y a bien longtemps. Les autres n'ont pas été composés en fonction des musiciens mais en fonction de la ligne conductrice de l'album, à savoir l'influence de ces grands guitaristes.
J’imagine que dans un style où l’improvisation est courante, l’un des défis les plus importants aura été de donner un degré de liberté suffisant à chaque musicien, tout en gardant une forme de cohérence artistique et de contrôle sur l’œuvre ?
Olivier : Effectivement, c'était le problème majeur : faire ressortir ces influences tout en gardant, exploitant les idées et les qualités de chacun et donnant quand même une unité. Comme les morceaux sont différents, je veillais à respecter la couleur et le style que je voulais donner. Avant d'enregistrer en studio, nous avons fait une courte résidence pour imprimer la direction générale.
Parlons un peu de cet album. En quelques mots, "Influences", c’est un condensé de jazz, de rock, de blues. Tout ce mélange est confectionné dans cet « étrange laboratoire » que vous constituez tous les quatre. C’est ça l’idée derrière le nom du groupe, d’expérimenter des alliages entre les styles que vous aimez ?
Olivier : Oui. Pour ce premier album, il y a cette ligne conductrice d'imprégner la marque de ces maîtres de la guitare. Mais si par bonheur, il y a un second opus, je continuerai de mélanger ces influences me concernant avec les univers différents des trois autres musiciens. Et je crois que nous nous dirigerons vers un style oscillant entre rock prog et jazz et qui deviendra plus personnel.
Au sein de cet album règne un parfum vintage qui sent bon les années 70 et 80. Finalement, c’est cet héritage des années 70/80 qui est le fil rouge du projet ?
Olivier : Bien sûr, les guitaristes dont je me suis inspiré et qui m'ont influencé connaissaient leur apogée dans ces années- là. Hendrix, Gibbons, Metheny, Gilmour, Beck, Scofield, Carlton, Lukather, Morse et Johnson, plus jeunes, sont plutôt issus de la génération eighties. Mon style personnel est un mélange de tout ça, mais avec une très grande humilité. Je tiens une nouvelle fois à insister sur le fait que cet album n'est pas une imitation de ces grands musiciens - j'en suis bien incapable d'ailleurs -, mais qui soit l'envie de faire ressortir leur influence sur mes compositions et mon jeu de guitare.
Vous citez de nombreux guitaristes prodiges qui ont marqué ces deux décennies dans vos influences. De David Gilmour à Jeff Beck en passant par Steve Lukather et Eric Clapton pour ne citer qu’eux. Évidemment, votre musique ne se limite pas à rendre hommage à ces grands musiciens. Comment parvenez-vous justement à dépasser cet héritage-là pour en extraire quelque chose de singulier et arriver à vous créer un univers personnel ?
Olivier : Eh bien, vous seuls et les personnes qui écouteront cet album pourront répondre à cette question ! Car je n'ai pas le recul et l'objectivité nécessaires pour savoir si j'ai réussi à faire des compositions intéressantes, sans copier ni imiter. En tout cas, c'était le but de cet album. Est-ce un pari réussi ? Pour créer un univers vraiment personnel, il faut de toute façon plusieurs albums et beaucoup tourner, ce qui n'est pas encore le cas. Le grand public ne reconnaîtra pas la majorité des guitaristes en question, et c'est tant mieux. Seule compte l'émotion qui peut se dégager des compositions.
Deux morceaux sur dix sont chantés uniquement, le premier et le dernier. Pourquoi avoir fait ce choix dans un style qui est très instrumental. Y a-t-il une volonté de ne pas se limiter aux codes du genre ?
Olivier : Je ne suis pas chanteur bien qu'ayant toujours participé aux vocaux dans de nombreux projets. Peut-être y en aura -t-il plus par la suite ? Cela nous a guidés vers un résultat plus ouvert que le format chanson. A l'avenir, nous verrons.
Si c’est bien exact, cet album est signé chez Musea, label réputé pour son catalogue rock progressif. Qu’est-ce que cette signature vous a apporté ?
Olivier : Cela vient juste de se faire. Je n'ai aucun recul. Mais je remercie encore, et ça n'est pas fini, Patrick Wirembski du groupe Orion qui m'apporte une aide primordiale pour le développement de Strange Lab.
A l’heure où l’univers visuel des groupes est indispensable pour attirer l’attention et susciter l’intérêt, aucun clip n' a vu le jour pour mettre vos morceaux en avant. Est-ce parce que cette musique est avant tout une musique qui se vit et qui se partage sur scène ?
Olivier : Bien sûr, mais des extraits vidéo de notre premier concert viennent de paraître. Ensuite, je compte bien faire un clip sur un des deux morceaux chantés pour amener plus de gens dans cet univers. Il faut encore trouver des fonds et ça prend du temps ! Sur scène, Strange Lab prendra toute sa dimension car donnant une grande part à l'improvisation, à l'instant présent.
Vous avez joué votre tout premier concert avec Strange Lab en juin, à Naucelles (15). Est-ce que vous avez pour projet d’en jouer d’autres, voire peut-être de partir en tournée ?
Olivier : D'autres dates sont en prévision bien sûr, mais la conjoncture actuelle est devenue si difficile sauf pour les gros festivals commerciaux qui ne prennent aucun risque dans la programmation, leur but étant de faire le meilleur résultat financier. Nous espérons pouvoir jouer le plus souvent possible tout de même. Cette première date nous a prouvé que le projet était solide musicalement. Il faut rôder les compositions, et en créer d'autres pour faire avancer le groupe.
Un premier album est souvent déterminant. Qu’est-ce que vous attendez de ce disque ?
Olivier : Eh bien faire un tel disque autoproduit en 2022 n'est pas chose facile. Maintenant, nous essaierons au travers de webzines, de radios spécialisées, de quelques concerts, de le faire découvrir. Il existe un tel vivier de groupes et de musiciens, rien qu'en France, qui font des choses intéressantes et qu'on n’entend jamais... Les radios étant payées pour diffuser les titres commerciaux, il ne reste que très peu de place pour les découvertes et les groupes auto-produits.
Un dernier mot pour les lecteurs de Music Waves ?