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TITRE:

TALC (20 DECEMBRE 2021)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

ROCK PROGRESSIF



Découvrez Talc sur Music Waves ! Le trio suisse nous parle de son deuxième album et de son univers post-prog mélodique.
NEWF - 08.02.2022 -
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Ils ont pris leur temps pour peaufiner leur deuxième album, qui sort huit ans après le premier. Le trio suisse TALC se livre sur son parcours, ses influences et sa musique qui, bien que technique, se doit de rester mélodique et accessible avant tout. Une interview à l'image du post-prog original du groupe : généreuse et réfléchie.



Pour commencer, voici une question que nous ne posons quasiment jamais car généralement la réponse est facile à trouver sur internet. Mais dans votre cas, nous avons très peu d’informations. Alors pouvez-vous nous raconter votre parcours à tous les trois et la création de Talc ?

Vincent – Cela fait une trentaine d’années (!) que nous faisons de la musique ensemble, Hervé et moi. Notre premier groupe était un quintette d’indie pop qui se nommait The Unexpected. Quand ce groupe s’est séparé, j’ai démarré de mon côté un projet solo sous le nom de Seychal-Mills, dans lequel je fais des hybridations entre post rock, electronica, musique concrète et minimalisme. Mais l’envie de jouer avec d’autres était toujours là, et, en discutant un jour avec Hervé, nous nous sommes dit que l’on pouvait tenter le format du duo basse/batterie. On a composé plusieurs morceaux, fait quelques concerts, ce qui nous a permis de roder des compositions purement instrumentales dont la structure pouvait ne pas se limiter à une suite couplet-refrain et, surtout, où il fallait obligatoirement que nous quittions notre rôle « classique » de section rythmique d’un groupe, pour aller vers un jeu plus expressif et mélodique. Quelques temps plus tard, Antonin s’est joint à nous, et le duo est devenu un trio.

Antonin – J’ai rencontré Vincent à la fac de lettres de Lausanne, je venais d’être engagé comme assistant, il avait son bureau en face du mien, on a parlé un jour de musique, échangé nos démos et c’est comme ça que j’ai rejoint le duo qu’il formait depuis quelques années avec Hervé et qui ne s’appelait pas encore Talc à l’époque. Je me suis approprié les titres qu’ils jouaient à deux, on en a composé quelques nouveaux et c’est ainsi que le premier album est né. J’ai une formation de piano classique mais je suis un guitariste largement autodidacte, si l’on excepte des master class avec Michel Sigwalt. Avant Talc, j’avais joué dans plusieurs formations de la région, mais je n’avais pas encore trouvé de musiciens ouverts à un projet de rock prog.

"Nous passons beaucoup de temps à peaufiner chaque chose, l’écriture, les arrangements ou le mixage."

Huit ans se sont écoulés depuis votre premier album, qu’avez-vous fait pendant cette si longue attente ?

Antonin – J’ai vécu quelques années à Berlin et joué avec plusieurs musiciens là-bas, mais sans résultats très tangibles. A mon retour, on a repris assez vite l’écriture avec Vincent et Hervé, mais on travaille plutôt lentement à vrai dire (rires) ! Probablement parce que nous passons beaucoup de temps à peaufiner chaque chose, l’écriture, les arrangements ou le mixage.

Hervé – Durant le séjour berlinois d’Antonin, Vincent et moi avons continué à jouer ensemble, et nous avons posé les bases de trois morceaux qui se retrouvent sur notre deuxième disque – de composer à nouveau en duo, c’était presque une sorte de « retour aux sources » pour nous ! On a envoyé des maquettes à Antonin pour qu’il commence à imaginer ses parties guitare, on a aussi profité des moments où il revenait pour développer ces compositions et en enregistrer de nouvelles versions. Mais, bien sûr, c’est seulement quand Antonin est définitivement revenu en Suisse qu’on a pu avancer dans l’élaboration d’un deuxième album.

Vincent – A côté du travail de composition avec Hervé, j’ai profité de cette période moins « intense » avec Talc pour donner des prolongements à mon projet solo sous l’identité de Seychal-Mills. J’avais déjà sorti un album en 2007 ("Dandelions"), et ça faisait depuis un certain temps que d’autres morceaux attendaient sagement dans mon disque dur que je les reprenne pour les mener à un aboutissement plus concret. Ça s’est fait sous la forme d’un autre album publié en 2017 et intitulé "Film(is)music".

"TALC 1 était une sorte de bouteille à la mer"




Qu’est-ce qui vous a donné l’impulsion de composer ce deuxième album ?

Antonin – L’impulsion était déjà là dès la sortie du premier album. "Talc 1" était une sorte de bouteille à la mer : on avait enregistré et mixé un disque tous seuls dans notre coin, loin de toute scène prog, et quand Bernard Gueffier de Musea a accepté de le prendre dans son catalogue, on s’est rendu compte qu’il pouvait y avoir un intérêt pour ce qu’on faisait, pour ce qu’on avait à dire musicalement. Et on avait encore pas mal de choses à dire !

Votre musique est très technique et pourtant vous parvenez à rendre cette technique accessible car elle n’est jamais ostentatoire. C’est la grande force de "Talc2". Est-ce que votre objectif est de consciemment vouloir réconcilier certains auditeurs avec les albums instrumentaux ?

Antonin – Oui, je crois que c’est plus ou moins conscient de notre part : on adore s’éclater sur des passages techniques et se lancer des défis, mais la musicalité, le récit, les mélodies passent avant tout.

Hervé – Après, il faut bien dire que le genre instrumental – jazz excepté – reste une niche. Il y a en effet un challenge à séduire un public avec des morceaux sans paroles...

"Il y a en effet un challenge à séduire un public avec des morceaux sans paroles..."

Une question pour Vincent Verselle : ton jeu de batterie rappelle celui de Gavin Harrison dans le toucher et la subtilité des polyrythmies. Est-ce une influence pour toi ?

Vincent – J’écoute assez peu Porcupine Tree, donc je ne suis pas certain que le jeu de Gavin Harrison ait eu une influence sur le mien – plus jeune, mon modèle était plutôt le Phil Collins de la première période de Genesis. Quand j’ai commencé à apprendre à jouer de la batterie, je voulais avant tout faire du rock carré – du bon tatapoum qui défoule ! Mais mon prof jouait dans des formations jazz... impossible avec lui d’en rester à du binaire brut, pour mon grand désespoir à l’époque, je dois l’avouer ! Avec du recul, j’ai pu me rendre compte à quel point ça a été un apport déterminant pour définir mon style de jeu, qui cherche d’une manière ou d’une autre à produire un sentiment de groove en intégrant souvent des accents inattendus, comme en jazz... et c’est ce que permettent par exemple les polyrythmies.

Une question pour Antonin Wiser : de nombreuses influences transparaissent dans ton jeu de guitare. Ça va du shred (sur ‘Amor Fati’ par exemple ou le passage à la Petrucci en alternate picking sur ‘Spin’) au flamenco (‘Cordoba’). Quelles sont ces influences ?

Antonin – Bien vu pour Petrucci, dont j’ai travaillé les licks pendant des années. Je suis toujours un fan de Tony Macalpine et Paul Gilbert, mais j’écoute aussi beaucoup d’autres guitaristes qui ont certainement une influence sur moi, même si ça ne s’entend peut-être pas directement : John Abercrombie, Mike Stern, John Scofield, Stevie Ray Vaughan, Eric Gales… J’ai grandi avec Mark Knopfler dans les oreilles et je crois que j’en ai gardé quelques tics aussi !

Le titre ‘Embuscade’ contient des passages qui rappellent le morceau ‘Mountain Song’ de Satriani. Est-ce volontaire ?

Antonin – Pure coïncidence ! Ça fait très longtemps que je n’ai plus écouté Satriani, même si j’aime bien. ‘Emuscade’, c’est un titre qu’on a écrit à distance, quand j’étais à Berlin. Vincent et Hervé ont enregistré un premier jet, m’ont envoyé les pistes, j’ai retouché un peu, arrangé des guitares, et l’ambiance légèrement western spaghetti du début s’est imposée d’elle-même – d’où le titre !

"L’étape du mixage est essentielle, et c’est pour cela qu’on aime s’en occuper nous-mêmes."



Le mix de l’album est très équilibré pour mettre en valeur chaque instrument. On entend notamment très bien la basse de Hervé Baumgartner, ce qui n’est pas si fréquent dans les albums instrumentaux. Ça permet à chacun de pouvoir s’exprimer sans tirer la couverture à soi. Est-ce à dire que Talc est un trio indissociable et que les compos sont collégiales ?

Hervé – En phase de composition, les impulsions viennent tantôt de l’un d’entre nous, tantôt de l’autre, ou parfois des trois à la fois quand un morceau se met à émerger d’une improvisation. Mais quoi qu’il en soit, chacun s’approprie le morceau, y ajoute sa touche, sa coloration dans la façon d’employer son instrument, et c’est en effet très important pour nous que nos trois identités puissent se manifester librement dans chaque titre que l’on écrit.

Vincent – De ce point de vue, l’étape du mixage est essentielle, et c’est pour cela qu’on aime s’en occuper nous-mêmes, bien que ça ralentisse le processus parce qu’aucun de nous n’est un ingénieur-son expérimenté. Mais ça nous permet de sortir peut-être de certains « automatismes » qu’un ingénieur son pourrait appliquer, et surtout de faire sonner notre trio en tant que trio, et non pas comme un groupe avec un lead qui serait accompagné par deux autres musiciens.

L’exception qui confirme la règle est le magnifique ‘Cordoba’, entièrement acoustique, qui mélange la folk et le flamenco. Pourquoi avoir inclus ce morceau qui est en rupture avec le reste de l’album ?

Antonin – On s’est posé (pas très longuement) la question d’arranger ce titre pour une version trio, mais finalement l’option d’une respiration acoustique dans l’album nous a semblé intéressante.

"On peut dire que ce deuxième disque, justement, nous a permis de mieux définir quelle était la musique que nous voulions créer avec notre trio, et qui pourrait être en effet étiquetée comme du post prog."


Globalement "Talc2" est plus progressif que "Talc1". Les titres ‘Ultramarine’ et ‘Chimere’ notamment sont très influencés par Riverside et Porcupine Tree. Il y a sans doute une place à prendre dans la catégorie post rock prog instrumental. Quelle est votre ambition pour Talc ?

Antonin – A vrai dire, nous sommes toujours un peu empruntés pour labelliser ce qu’on fait – et très contents que des oreilles extérieures le fassent pour nous, car elles le font mieux ! On vient de trois horizons musicaux assez différents. Notre socle commun minimum, c’est Miles Davis, Genesis et Pink Floyd, mais on fait tout autre chose, quelque part au barycentre improbable de Porcupine Tree, Tortoise et Talk Talk. Je dirais que notre ambition, c’est d’abord de faire une musique qu’on aime jouer et écouter – en espérant qu’elle plaise aussi à d’autres !

Vincent – On peut dire que ce deuxième disque, justement, nous a permis de mieux définir quelle était la musique que nous voulions créer avec notre trio, et qui pourrait être en effet étiquetée comme du post prog. Les nouveaux morceaux sur lesquels nous travaillons actuellement empruntent cette voie-là de manière encore plus nette. L’atmosphère plus psychédélique de la troisième partie du morceau ‘Chimère’ va aussi influencer nos prochaines compositions – pour qu’elles occupent une place encore mieux définie dans cette catégorie post prog, du moins on l’espère vivement.

Outre les webzines, avez-vous un plan promo pour "Talc2", qui mérite grandement de sortir de la clandestinité ?

Hervé – Il ne faut pas se mentir : en proposant une musique strictement instrumentale, qui plus est au croisement d’influences diverses, on n’a pas choisi la facilité !... Et l’absence de scène locale en Suisse romande pour le prog n’aide pas. On est un peu hors des grands réseaux par ici, qui sont plutôt indie rock, metal ou jazz improvisé contemporain. En plus, dans le contexte sanitaire actuel, on a l’impression que les salles tout juste rouvertes sont assez frileuses, et programmer un trio instrumental ne semble pas dans leurs priorités… Actuellement, on essaie d’exploiter au mieux les ressources offertes par internet, que ce soit les sites dédiés à l’écoute de musique (webradios, SoundCloud, Bandcamp, …) ou à la diffusion vidéo. On a ainsi sorti un premier clip cet été sur YouTube, pour le morceau ‘Ultramarine’, et on est en train d’en échafauder un autre avec un ami vidéaste. Et puis, bien entendu, on continue à contacter les clubs et festivals tous azimuts !


"En proposant une musique strictement instrumentale, qui plus est au croisement d’influences diverses, on n’a pas choisi la facilité !"


La promo passe aussi par la scène. Avez-vous des dates prévues ?

Hervé – On peut annoncer une toute première date pour 2022 : on joue le 5 février à Lausanne, dans le bar-club ‘Le Cylure Binchroom’… si tout ne referme pas d’ici là ! Et si des programmateurs nous lisent : on est partant où et quand vous voulez !

Beaucoup de titres comportent plusieurs pistes de guitare, comment allez-vous les transposer dans une formule trio en live ?

Antonin – Sur scène, on livre en effet une version un peu différente. La performance live de Talc est plus directe, plus brute, avec une part laissée à l’improvisation. C’est une autre énergie qu’on propose. Mais l’essentiel des mélodies et des solos sont conservés !

Vincent – Et pour reproduire les atmosphères présentes dans certains titres, on emploie également de temps à autre des boucles, lancées depuis un ordi portable.

Finalement, qu'attendez-vous de cet album ?

Vincent – De devenir des stars mondialement connues, bien sûr (rires) ! Plus sérieusement, on est impatients de voir ce disque trouver son public, un public qui saura se reconnaître dans nos morceaux, tout autant que nous nous reconnaissons en eux. Finalement, c’est pour cela qu’on fait de la musique, non ? Pour créer un contact, un lien avec d’autres grâce à cette reconnaissance mutuelle, et même – allez, osons le mot – cette communion que peuvent produire une mélodie ou un rythme.

Nous vous laissons le dernier mot pour nos lecteurs…

Hervé – Nous avons eu énormément de plaisir à composer et à enregistrer ce deuxième album, et on espère que les lectrices et lecteurs de Music Waves en auront tout autant à le découvrir. On se réjouit de lire ou d’entendre leurs retours – et de les croiser au détour d’un concert !


Plus d'informations sur https://talc.bandcamp.com/
 
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