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TITRE:

ABOUKIR (06 AVRIL 2021)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

ROCK INDÉ



Music Waves est allé à la rencontre d'Aboukir pour en savoir plus sur le premier album de ce groupe dont le géniteur n'est pas un illustre inconnu.
ADRIANSTORK - 20.04.2021 -
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Si pour les historiens, le nom d’Aboukir évoque une défaite navale de Napoléon, en matière de musique, il faut mener une enquête pour comprendre la référence ; les limiers de Music Waves, intrigués par un "Digital Introversion" mélancolique, ont résolu l’affaire : derrière Aboukir se dissimule bien Flabaire qui est également le prête-nom de Ralph Maruani. Rencontre avec l’intéressé.


Aujourd'hui qui allons-nous interviewer, Aboukir, Flabaire ou Ralph Maruani? Pourquoi brouiller les pistes en multipliant les pseudonymes, est-ce qu'un nom pour toi veut dire une ambiance?

Aboukir : Ralph Maruani c’est en même temps Aboukir et Flabaire bien sûr, je pense qu’un nom est attaché à une certaine ambiance. Ce qui ne veut pas dire que je dois m’y cantonner, sous Flabaire j’ai produit pas mal de choses différentes, de la house bien sur mais aussi des choses plus expérimentales, mais il me semble que la musique sortie sous Flabaire a une connotation électronique. Je me suis aussi dis que la musique sortie en tant qu’Aboukir avait vocation a être jouée sur scène, donc par un groupe, et je ne voulais pas qu’il y ai un sentiment de “Flabaire et ses musiciens” mais vraiment un esprit de groupe.  


Cette fois-ci le nom évoque l'Egypte et Napoléon Bonaparte dont on commémore cette année les 200 ans de la disparition, un hasard?

Oui complètement, ça m’est venu un jour alors que j’étais rue d’Aboukir à Paris, ce n’est qu’après que j’ai appris que c’était une bataille navale menée par Napoléon. 


Tu poses la première pierre du temple Aboukir avec 'Digital Introversion' qui nous place à bord d'une machine à remonter dans le temps, avec une période 1960-1970 au compteur. La musique d'Aboukir rend hommage au psychédélisme de ces années alliée à un esprit planant. A une époque où la pauvreté musicale est mise en avant, est-ce que le repli vers ce qui est maintenant considéré comme un Age d'or est salutaire?

Je ne sais pas trop quoi répondre à cette question, c’est la musique que j’ai écoutée toute ma vie, ça fait partie intégrante de ma personne, je ne considère pas vraiment ça comme un repli mais plutôt comme la continuation de la musique qui m’a animé tout au long de ma vie. 


C'est une musique crée « à la façon de » ou « en hommage à », mais jamais en pillant cette musique. Comment as-tu préparé cet enregistrement, beaucoup d'écoutes dans les oreilles mêlés à tes sentiments et goûts personnels?


Comme je le disais avant j’ai toujours écouté du rock des années 1960-1970, les pans psychédélique et progressif m’ont particulièrement touché. J’ai préparé cet enregistrement depuis toujours, en fin de compte.


J’ai toujours écouté du rock des années 1960-1970, les pans psychédélique et progressif m’ont particulièrement touché.



L'album se serait enregistré entre 2018 et 2019, pourquoi la sortie a-t-elle été retardée?

J’ai composé et enregistré cet album après avoir été contacté par le label anglais Night Time Stories qui demandait à entendre mes morceaux à la suite d’une reprise du morceau ‘White Gloves’ de Khruangbin que j’avais posté sur Facebook. Après quelques mois de discussion avec eux qui n’ont finalement pas abouti les morceaux sont restés au fond d’un tiroir jusqu’à ce que Stéphane de Saint Louvent qui les avait écoutés me parle du projet de label Rotary Phono Lab et me propose de sortir l’album. J’ai donc repris le travail courant 2019, j’ai terminé le disque, il a été mixé et devait sortir initialement au printemps 2020 si je ne me trompe pas. Et puis la COVID est arrivée et donc tout à été retardé, jusqu’à maintenant. 


Tu es multi-instrumentiste. Mais tu aurais confié la batterie à des tiers voire à des membres de ta famille. Comment les as-tu convaincus de jouer sur cet album et quelle a été leur participation réelle?


En effet, Diego Forst joue sur la quasi totalité des morceaux, et mon grand frère Briag Maruani joue sur ‘George’s Lament’. Sur ‘St People’ et ‘Memory Lane’ ce sont des batteries que j’ai programmées. Quand j’ai enregistré l’album j’avais mis des boucles de batterie (avec la fonction Drummer sur Logic Pro X). J’ai ensuite demandé donc à Diego et Briag d’enregistrer dans l’esprit des boucles existantes, mais en leur laissant une grande liberté. Ça a apporté un feeling beaucoup plus humain, et un groove indéniable, là où les boucles étaient par essence beaucoup plus statiques.  


Le voyage démarre avec 'Digital Introversion', malgré quelques échos dissonnants, une voix paisible et une ambiance planante plante le décor. Etait-ce voulu ainsi comme pour présenter le menu des festivités? 

Oui je trouve qu’il introduit assez bien le disque, c’est d’ailleurs pour cela que nous avons décidé de le sortir en tant que single en février dernier.  





L'autre grande force de l'album, c'est la guitare, qui réussit à s'extirper de ces atmosphères ouatées pour se livrer à des arpèges lumineux décontractés mais légèrement tourmentés et mélancoliques. Comment prépares-tu tes soli ? Quelle est la part d’improvisation?


Généralement je fais une première prise improvisée, je repère quelques plans qui me plaisent et j’essaie par le suite de construire un solo autour de ceux-ci. Chaque prise est différente, c’est quasiment totalement improvisé.  


Le morceau suivant 'Cosmic Discomfort' ajoute un gimmick de guitare obsédant, la batterie implacable et plus tard l'orgue et la basse. On a l'impression que cette piste est l'exploration détaillée de la précédente, que plus on écoute et plus le paysage s'enrichit. As-tu cette impression?

Je n’ai pas vraiment l’impression qu’il est dans la continuité du premier morceau. Quand j’ai enregistré ‘Cosmic Discomofort’ j’avais en tête ‘Weird Fishes/Arpeggi’ de Radiohead, un morceau où plusieurs pistes de guitares et de Rhodes s’entremêlent magnifiquement bien sur un rythme de batterie entêtant, j’ai essayé de me rapprocher de ça.  Récemment je me suis rendu compte - toute proportions gardées bien sûr - en réécoutant ‘Echoes’ de Pink Floyd que c’était vraiment dans le même esprit, avec une première partie vocale et mélancolique, et une seconde partie instrumentale, groovy et planante. On n’échappe pas à ses influences.   


... ça ne remplacera jamais le feeling de jouer avec des musiciens.


Sur le boeuf final, on a l'impression d'entendre un groupe qui improvise mais apparemment ce serait toi seul et le batteur? Même si cette tendance existe déjà et est très employée, est-ce qu'une situation dans laquelle un individu peut jouer toute la musique d'un groupe sans avoir d'autres compagnons que ses instruments peut devenir une norme? Est-ce que ce constat te fait peur ou au contraire t’encourage?

En effet cette tendance existe déjà et depuis longtemps, je pense à Stephen Stills par exemple qui a pratiquement enregistré seul le second album de CSN (premier avec Y) ‘Déjà Vu’, ou plus récemment Bon Iver sur son sublime premier album ‘For Emma, Forever Ago’, ou encore bien évidemment Kevin Parker de Tame Impala. C’est encourageant, mais je pense que ça ne remplacera jamais le feeling de jouer avec des musiciens. 



Quelle explication peut-on trouver derrière le titre ‘George's Lament’ ? 

J’avais un poisson rouge nommé George d’après George Costanza dans ''Seinfeld''. C’était un poisson très tourmenté, je lui dis donc de “Take it easy, take it one day at time”.


‘St People’ est une ballade dans la pure tradition, on peut penser aux ballades de Pink Floyd sur ''Meddle'' ou ''Atom Heart Mother'', était-ce une inspiration évidente pour ces morceaux ? Pink Floyd étant l'un de tes groupes de chevet, quel regard as-tu sur ces ballades et courts morceaux qui interviennent sur des albums sur lesquels figurent des longues suites ('Echoes', 'Atom Heart Mother') ? N'y avait-il pas (nous ne le pensons pas) une tendance à du remplissage sur ces albums?

L’inspiration derrière ce morceau est David Crosby, j’utilise d’ailleurs l’accordage open tuning propre à Crosby (EBDGAD). J’adore ces morceaux, c’est ce qui fait pour moi la richesse d’un album, les différentes ambiances et émotions. 


Quel sens se dégage de ‘St People’ ? Street People or Saint People?


Saint People  !


‘Memory Lane’ joue des contraires, un son paisible mêlée à une batterie sèche et des stridences électroniques. Etait-ce une manière d'illustrer de façon sonore de multiples sensations contradictoires autour d'un seul souvenir?

Non, je n’entends pas trop de sons électroniques dedans, c’est plutôt le côté shoegaze que j’ai voulu traduire à travers les guitares très en avant, jouées au vibrato, et la voix distante. 





‘Moonlight Serenade’ est un titre instrumental rafraîchissant mais pourquoi l'avoir placé en fin d’album?


... Pourquoi pas ?  


Je ne suis pas trop attiré par l’agressivité dans la musique, j’ai toujours été naturellement attiré par la douceur et le côté planant, c’est donc naturel que ma musique le soit aussi.


Le vol de nuit s'achève avec ‘A Year From Now’ dont le titre semble personnel. A part quelques turbulences sonores et avec un nouveau solo décontracté de guitare, nous avons mis nos oreilles sur un album tranquille et mélancolique. Etait-ce le sentiment que tu voulais dégager de cet album, aurais-tu pu apporter un peu plus de distorsion (cassures de rythmes, solo tempétueux…) ?



Oui, c’est d’ailleurs ça que j’essaie de traduire à travers ma musique que ce soit sous Flabaire ou Aboukir. Je ne suis pas trop attiré par l’agressivité dans la musique, j’ai toujours été naturellement attiré par la douceur et le côté planant, c’est donc naturel que ma musique le soit aussi.  



Ta voix est un peu lointaine entre John Lennon, Rick Wright et Oscar Lang. Alors que d'aucuns pourraient la trouver monotone, elle nous berce et participe à nous faire accomplir un voyage reposé. Comment réussis-tu à rester captivant vocalement?

Je ne connais pas Oscar Lang mais je n’aurais jamais pu rêver être cité dans la même phrase que John Lennon et Rick Wright ! C’est la première fois que je me prête à cet exercice, j’avais jamais chanté sur un disque avant, j’ai eu du mal à assumer ma voix. C’est toujours étrange de s’entendre, et j’avais d’abord noyé ma voix dans un océan d’effets en me cachant derrière le prétexte shoegaze. Finalement Louis McGuire qui a réalisé le mixage l’a fait ressortir et je suis content du résultat final. 


Pourquoi le chant en anglais? Penses-tu que la voix française n'aurait pas pu s'adapter à cet univers?


Cette musique est éminemment anglo-saxone, il était pour moi impensable de la faire en français.  


Qu'est-ce qui t'inspire pour les paroles?


J’ai beaucoup de difficulté à écrire, c’est un exercice très poussif pour moi. J’essaie surtout de trouver des mots qui collent à la musique et par la suite je tente tant bien que mal d’écrire un ensemble cohérent.  





Peux-tu nous parler de l'un de tes violons d'Ingres : la collection de vinyles ?



Que dire … j’en ai plus que certains, beaucoup moins que d’autres. J’ai un peu moins de 2000 disques chez moi, que je collectionne depuis plus ou moins 14 ans. J’aime posséder la musique que j’écoute, j’aime le format vinyle, j’aime les pochettes, j’aime les disquaires, j’aime savoir dans quel endroit j’ai trouvé tel disque. J’aime vivre entouré de la musique qui m’anime. Une des choses que j’aime le plus au monde c’est d’écouter un disque et de lire la pochette, les liner notes, apprendre quel musicien à joué sur tel morceau, quel ingénieur à travaillé sur le disque, dans quel studio le disque a été enregistré, etc.  


Nous allons poser la question playlist, non pas la redondante question « Quels albums emporterais-tu sur une île déserte ? », mais plutôt : quels sont les trois albums que tu conseillerais à un auditeur qui aurait aimé celui-ci et qui souhaiterait remonter aux sources ou poursuivre le voyage? 

Archi classique mais incontournable, ''The Dark Side of The Moon'' de Pink Floyd, ''Live/Dead'' de Grateful Dead et ''The Universe Smiles Upon You'' de Khruangbin car ça m’a donné l’impulsion nécessaire pour enregistrer ce disque.  


Music Waves était un webzine d'obédience progressive, quel regard portes-tu sur le genre, qui arrive après le psychédélisme. Est-ce que tu penses avoir fait un peu de progressif ('Cosmic Discomfort'?) ou au contraire te lanceras-tu dans le genre plus tard?

J’adore le rock progressif, j’en ai énormément écouté. Un de mes groupes préféré est King Crimson qui est le père fondateur du genre, je les ai vu plusieurs fois en concert et j’ai leur discographie complète. J’ai été très influencé également par l’école de Canterbury, courant progressif anglais dont la figure centrale est Robert Wyatt, qui se compose de groupes tels que Soft Machine donc, Caravan, Hatfield & the North, Matching Mole. Des groupes qui ont mélangé le rock et le jazz fusion. C’est ce côté du prog qui me plaît, plus que certains grands noms du prog qui ne m’ont jamais touché tels que Yes ou Genesis. J’ai beaucoup écouté ''Tarkus'' de ELP aussi, et puis bien évidemment Frank Zappa.  


Est-ce que tu a enregistré beaucoup de matériel dans ton home studio ou au contraire tu es économe dans ton inspiration et production? Est-ce que tu aurais déjà la matière pour un "Aboukir Part II" ?

J’ai principalement enregistré de la guitare (j’ai alterné entre ma fidèle Fender Stratocaster, une Telecaster, une Epiphone Sheraton II et une Gibson Melody Maker de 1964), une basse et un Fender Rhodes. Pas tellement de matériel, à vrai dire. Je n’ai pas encore de matière pour un deuxième album, je n’ai pas pu enregistrer ces six derniers mois mais maintenant que je peux m’y remettre, ça ne devrait pas tarder … 


Plus d'informations sur https://www.facebook.com/aboukirband
 
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