C'est dans les coulisses du Hard Rock Café et dans une atmosphère détendue que nous avons pu faire un point détaillé sur la vie de Wildpath avec ses membres...
Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?
Olivier Caron : De nous présenter (Rires)
Et nous ne vous ferons pas cet affront. Votre actualité brulante est ce 4e album -6e si on compte les 2 EP- "Disclosure"....
Marjolaine Bernard : ... Ah oui, tu es bien renseigné…
Pourquoi avoir attendu tant de temps (4 ans entre "Underneath" et ce nouvel album) ?
Marjolaine : Nos fans nous en ont voulu et ils avaient hâte… mais nous voulions prendre le temps de porter sur scène et de faire vivre "Underneath". Et nous voulions également tout simplement prendre notre temps pour composer, enregistrer et produire ce nouvel album, "Disclosure".
Entre cette longue parenthèse, l’accueil réservé à ce nouvel album… ne peut-on pas dire que "Disclosure » marque le vrai départ de Wildpath ?
Olivier : C’était effectivement la première fois qu’on se posait et qu’on se demandait ce que nous voulions faire.
Vous étiez au point d’être à la croisée des chemins, c’est-à-dire soit on passe un cap, soit on arrête ?
Olivier : Il y a de ça effectivement ! Aujourd’hui, nous savons la musique que chacun d’entre nous aime, si bien qu’au début de la composition, nous sommes tombés d’un commun accord sur ce que nous allions faire et nous étions convaincus que ça allait marcher… Auparavant, nous faisions du métal symphonique et on adorait ça -on aime toujours ça et il n’est pas exclu qu’on en refasse dans le futur- mais pour cet album, on a un peu réfléchi en profondeur pour savoir exactement comment nous voulions sonner.
Nos précédents albums correspondaient à nos goûts musicaux du moment et
l’évolution de "Disclosure" est liée à notre évolution personnelle.
A contrario, le groupe existe depuis 2001, pourquoi avoir attendu tant de temps pour passer ce cap et sortir du cliché du groupe métal symphonique ?
Marjolaine : Nous faisions juste ce que nous aimions sur le moment. Nos précédents albums correspondaient à nos goûts musicaux du moment et l’évolution de "Disclosure" est liée à notre évolution personnelle.
Olivier : A l’époque, nous avions des choses à dire dans ce style. Aujourd’hui encore, nous aurions pu faire un truc dans ce style mais pour s’exprimer comme nous le voulions, il fallait que nous utilisions de nouveaux outils.
A la lecture de vos réponses, je peux vous poser LA question clichée de l’interview : c’est l’album de la maturité ?
Wildpath : (Rires) !
Maintenant que ce cap est passé, quel est l’objectif ?
Pierre Mahier : On va le défendre sur le plus de scènes possibles… On travaille beaucoup sur les réseaux sociaux. On refait tout notre site sur lequel tous nos anciens albums sont en écoute libre, on va y ajouter plein de contenu comme des vidéos, des photos exclusives que nous réservons pour ceux qui s’inscrivent sur le site. On essaie de créer une petite communauté dans laquelle il y aurait une vraie interaction.
Qu’est-ce qui vous a intéressés dans l’imagerie des années folles ? Pourquoi avoir situé ce concept à cette époque ? Pourquoi vous être éloignés de l’imagerie fantasy qui est très présente dans ce genre musical ?
Olivier : On aime bien l’esthétique de l’art déco qui consiste à donner de la profondeur avec des formes simples. Cela correspond assez bien à l’idée que nous voulions donner sur cet album et c’est suffisamment neutre pour nous permettre d’explorer plein d’univers tout en gardant un charme assez prononcé. Et si jamais, on a envie de partir vers le fantastique ou l’industriel, le graphisme fonctionnera également.
Cela faisait-il partie d’un exercice de style ?
Olivier : Quand tu es dans le visuel, quand tu créés des costumes, il faut s’ancrer à une époque, d’où l’art déco. De façon générale, le métal symphonique est axé
heroic fantasy ou médiéval or nous n’avons jamais été très intéressés par ça.
Etes-vous conscients que cette imagerie vous permet de sortir du lot justement ?
Pierre : On ne cherche pas la gloire et la différence à tout prix. Nous avons plus cherché à faire ce que nous aimons et le métal symphonique ne correspond pas à ce que nous souhaitons faire. Ce qu’on aime dans le métal, c’est quand ça tabasse et on a fait en sorte que ça tabasse, mais comme on l’aime - et non pas comme les gens voudraient l’entendre dans le métal symphonique (Rires).
Bien que les durées des titres soient courtes, ceux-ci sont pourtant très “progressifs” et complexes. Comment avez-vous réussi à développer cet aspect ? Avez-vous dû limiter les développements musicaux et resserrer votre propos ?
Olivier : Pas du tout ! Sur cet album, on ne s’est posé aucune limite, on s’est laissé une totale liberté et il s’est trouvé que les titres courts fonctionnaient bien et étaient très efficaces.
Cet album est une sorte de réflexion sur la frontière qui peut exister entre la créativité et la folie.
Est-ce que vous pouvez nous dire quelques mots sur le fil conducteur du concept ?
Olivier : Depuis "Non Omnis Moriar", on ne fait que des concept-albums : le fait de se situer dans un univers nous aide à composer et à rester cohérent. Le concept fait donc entièrement partie de la composition. Pour cet album, on s’est posé la question de la place du personnage principal de cet album opposé à un carcan de pensées. Cet album est une sorte de réflexion sur la frontière qui peut exister entre la créativité et la folie. Sur ce thème se développe tout un univers ancré sur l’aspect théâtral et cinématographique du personnage face à la productivité d’une société qui souhaite que nous ne sortions pas du champ des règles qu’elle impose. A l’intérieur se développe une autre histoire, une sorte d’histoire d’amour entretenue par la voix de Marjolaine et Nicolas (NdStruck : Lopes, basse) qui a plus de lignes de chant que par le passé.
Malgré tout, on n’aime pas trop donner des explications précises : notre but est que l’auditeur s’approprie l’album sachant que ce concept peut avoir plusieurs lectures possibles.
Malgré tout, sans trop aller dans le détail, notamment l’histoire d’amour, cela ne nous regarde pas, est-ce que ce concept relève du vécu ?
Olivier : (Rires) Je crois que ça fait partie du travail de tout artiste : réfléchir à sa condition.
Ces questions, on se les pose tous et nous les avons synthétisées et cristallisées dans le concept de cet album. Mais c’est vrai que c’est important pour nous d’essayer de trouver un sens à ce que nous faisons.
Les plus beaux morceaux de l’album sont ceux ou la (les) voix est (sont) seule(s) avec les claviers ou une guitare acoustique ? Pourquoi ne pas avoir plus exploité cet élément pour mettre les voix encore plus en relief et les sublimer ?
Olivier : On s’est effectivement rendu compte de ça une fois l’album terminé et qu’on avait développé le concept.
Et puisque vous en êtes désormais conscients, est-ce une orientation possible pour le prochain album ?
Olivier : Non ! Nous ne préférons rien prévoir. Aujourd’hui, nous ne savons pas à quoi ressemblera le prochain album, nous verrons sur le moment : ça sera la surprise ! Nous aimons faire des albums qui soient un instantané de ce que nous sommes au moment où nous le faisons. En revanche, lors de notre dernier concert au Divan du Monde, nous voulions particulièrement mettre en avant ce côté, on a donc pris le temps en plein milieu du show de faire un passage acoustique afin de donner une atmosphère intimiste, on a également complètement retravaillé ce titre, 'Hollow', pour qu’il rende encore mieux. Dans cette optique, on compte aussi développer des petits
showcases uniquement acoustiques.
Si je vous dis que la musique de Wildpath se situe à la croisée de Nightwish, Re-Vamp, Epica ou Edenbridge ? Est-ce que ce sont vos influences ?
Pierre : Pas du tout (Rires) ! On ne se fixe pas dans un style musical alors qu’Epica ou Nightwish sont quand même extrêmement ancrés dans le style métal symphonique à chanteuse qui a tendance à se « popiser », avec des guitares en arrière-plan, avec un son
crunchy, des batteries linéaires… un style joyeux pour que les elfes dansent (Rires) ! Ce n’est clairement pas le style que nous voulons développer pour Wildpath…
On aime piocher des éléments, des outils d’autres styles musicaux qu’on
peut réutiliser au sein de nos compositions, et cela contribue à créer
notre propre univers.
Vos compositions ne sont pas grandiloquentes et s’éloignent encore plus ainsi du métal symphonique, la guitare à un son très crunchy qui la rapproche plus du hard rock que du métal ou du speed. Est-ce que c’était encore une volonté de votre part pour affirmer votre différence ?
Pierre : Je sais simplement que par exemple, on avait commencé à ajouter quelques sons électroniques sur "Underneath" et pour "Disclosure", on y est allé à fond. Cela est dû à nos diverses influences et on aime piocher des éléments, des outils d’autres styles musicaux qu’on peut réutiliser au sein de nos compositions et cela contribue à créer notre propre univers.
Marjolaine : Globalement, on avait envie d’un album plus lourd.
Olivier : Comme le disait Pierre tout à l’heure concernant le style métal symphonique à chanteuse, les guitares sont tellement fondues dans la masse qu’on les oublie presque et nous voulions avoir un son un peu plus
crunchy ce qui permet de le faire vivre plus facilement, il est plus polyvalent, allant des grosses rythmiques métal à des choses un peu plus subtiles. Dans Wildpath, on n’est pas trop "effets". Quand on est sur scène, on branche nos guitares et c’est tout… Nous voulions reproduire cela sur l’album. Pour "Underneath", nous avions composé pour que l’orchestre ait une grosse place et on a arrangé par la suite pour donner sa place au métal, alors que pour "Disclosure", on a inversé les choses : du coup, on s’est permis d’avoir un son riche.
Tu parlais d’orchestre. Au début du CD, on sent des influences classiques (une pièce qui ressemble au Lacrimosa de Mozart). Pourquoi ce choix de commencer par un instrumental, car c’est une chose qui a été faite un bon nombre de fois par Helloween et Rage ? C’était une façon de rendre hommage à votre héritage classique ?
Olivier : Ce n’est pas un hommage mais les introductions orchestrales sont très importantes pour nous parce qu’elles permettent de situer notre univers.
Comment s’est fait la répartition entre le chant masculin et féminin ?
Pierre : On les voit comme des instruments, du coup on les utilise quand la musique le réclame. C’était déjà le cas sur "Underneath". Le chant est un outil qui permet de véhiculer des émotions.
Est-ce que chacune des voix a une signification particulière dans le déroulement du concept, comme peut le faire Ayreon dans ses productions ?
Marjolaine : Ces voix représentent deux personnages qui échangent par moment.
J’ai l’impression que les voix sont le fil conducteur de ce CD. Est-ce que les compositions ont été construites autour des voix ?
Olivier : Les voix sont clairement des guides, et ces fils conducteurs nous aident pour composer. C’est la raison pour laquelle on aime travailler les concepts en amont pour pouvoir développer la musique par la suite.
Votre clip est de grande qualité avec une esthétique très art déco. C’était important de faire ce clip ? Comment avez-vous choisi le réalisateur ?
Marjolaine : Le clip est quelque chose de très important pour nous car si un album est une expérience auditive, nous souhaitons que ce soit une expérience complète en l’agrémentant de visuels qui vont transporter l’auditeur dans un univers complet. Le clip s’inscrit dans cette démarche et dans le cas présent, on a travaillé avec Allume Prod - qui avait déjà fait le précédent clip. Ce sont deux réalisateurs talentueux et le résultat en est la preuve.
Qu’attendez-vous de cet album ?
Olivier : On a vraiment envie de le faire vivre sur scène, beaucoup plus que "Underneath" par exemple. Nous sommes donc très concentrés sur le fait de le partager le plus possible et je pense que plus que les autres, cet album est vraiment taillé pour la scène. Les chansons sont efficaces, on s' est rendu compte en les jouant au Divan du Monde que ça marchait tout seul.
Bref, le but est de faire vivre cet album : 2015 sera l’année "Disclosure" !
Quel est votre meilleur souvenir d’artiste ?
Marjolaine : Ce n’est pas une question facile parce que finalement, il y en a eu plein : notamment ce concert avec un quatuor et une chorale à la Scène Bastille. Cette expérience de voir prendre vie le symphonique était vraiment top. On a joué avec Patrick Rondat qui est un personnage adorable. Et enfin, dernièrement, le Divan du Monde.
Olivier : On a joué quelques morceaux au Grand Rex dans le cadre d’une convention de jeux vidéo.
Le pire ?
Pierre : Le dernier album de Nicki Minaj est une vraie déception (Rires).
On commencé cette interview par la question qu’on vous a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ?
Olivier : Celle-ci (Rires) !
Non, mais peut-être dire aux gens qui nous aiment un peu de nous suivre sur les réseaux sociaux : il y a plein de choses qui vont arriver prochainement. On vient également de signer un partenariat avec un luthier, Nugzar Phantsulaya, qui va nous faire des instruments. On va essayer de faire des
showcases acoustiques…
Pierre : Et finalement la question qu’on ne nous pose pas assez souvent est de savoir si nous sommes fiers du son du master de cet album et je réponds par un grand oui (Rires) !
On a souvent l’impression que les gens confondent choix artistiques et qualité de la production.
Et pourquoi plus fier de celui-ci que le précédent ?
Pierre : Je ne sais pas pourquoi mais c’est un reproche qu’on a souvent. Il y a plein des gens qui sont choqués par la production.
Olivier : Je ne sais pas si les gens savent de quoi ils parlent quand ils parlent de production, mais on a souvent l’impression que les gens confondent choix artistiques et qualité de la production. On a reproché que le son était froid mais c’était effectivement notre volonté.
On voulait qu’il y ait cette ambiance et c’est tout l’avantage d’avoir notre propre studio : on peut faire exactement le son tel qu’on l’a dans la tête. On a souvent posé la question de savoir si nous voulions travailler avec des producteurs de renom : clairement non ! Nous ne voulons pas avoir le son de tout le monde. On travaille notre son comme on travaille nos compositions c’est-à-dire tous ensemble, et dans le cas présent, ce son nous plait !
Admettons qu’un Steven Wilson tombe amoureux de votre album et veuille vous produire : vous refusez ?
Pierre : Non, mais on lui fait louer des studios pas possibles, on prend tout le matériel pour nous… et on travaille nous-mêmes notre son mais on ne veut personne de l’extérieur qui nous oblige à faire ce que nous ne souhaiterions pas faire.
Marjolaine : Les avis extérieurs sont toujours bons à prendre mais nous voulons garder la décision finale.
Olivier : C’est aussi la raison pour laquelle on prend notre temps : c’est pour ne rien regretter ! Si bien que si jamais on se rend compte avec recul que ce qui a été fait n’est pas bien, on ne pourra s’en prendre qu’à nous-mêmes.
Merci beaucoup
Marjolaine : Merci à toi, ça fait plaisir d’avoir des personnes qui ont préparé l’interview.
A cet égard, merci à Thibautk pour sa contribution...