Portant les stigmates de l'enregistrement de leurs (dangereux) clips, les trois jeunes et charmantes membres de Théodore, Paul & Gabriel ont répondu aux questions (dangereuses) de Music Waves....
Quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée ?
Pauline Thomson : "Pourquoi chantez-vous en anglais ?".
Et on ne vous la posera pas… En revanche, on parlera du nom du groupe. En effet est-ce que ce dernier n’est pas le meilleur argument commercial pour inciter à la découverte de votre musique ? Bref, Théodore, Paul & Gabriel serait le groupe de filles avec un nom de garçon comme Christine and the Queens est le groupe de la fille qui danse et Brigitte, le groupe des filles qui se ressemblent ?
Clémence Gabriel : C’est vrai que ça nous a aidées quand on a démarré dans ce milieu. Comme tu l’as souligné, on a dit qu’une des choses les plus importantes était de pouvoir nous définir en une phrase. A l’époque, on nous avait donné l’exemple de The Police qui était les trois blancs qui faisaient du reggae.
Malgré tout, nous n’avons pas choisi Théodore, Paul & Gabriel pour pouvoir être défini rapidement. Ce nom est né de notre imagination mais c’est vrai qu’avec le temps, il a permis aux gens de nous placer, de nous identifier comme les trois filles au nom de garçon qui font du rock.
Nous ne voulions pas que les gens découpent notre musique en se disant
que nous étions juste un groupe de filles mais que nous étions un groupe
de musique.
Toujours à propos de ce nom, n’avez-vous pas eu la tentation de changer le nom en Louis, Paul & Gabriel vu que Louise a remplacé Théodora ?
Clémence : Non ! Référencement Google (Rires) !
Louise Découflé : Non parce qu’on s’est dit que le concept restait le même finalement.
Pauline : Théodore, Paul & Gabriel nous permet une certaine neutralité. Nous ne voulions pas que les gens découpent notre musique en se disant que nous étions juste un groupe de filles mais que nous étions un groupe de musique. Le concept reste le même que ce soit Théodore, Paul & Gabriel ou Louis, Paul & Gabriel.
Louise, ceux qui suivent la vie du groupe savent qu’il est né de la rencontré de Pauline et Clémence. Avec le départ de Théodora dont le nom reste toujours dans celui du groupe, ne crains-tu pas d’être perçue comme la cinquième roue du carrosse ?
Louise : Non, pas du tout ! Les choses ont été très claires dès le début, je sais que le duo de composition est Clémence et Pauline. Cela ne veut pas dire pour autant que je suis là juste pour faire la décoration. Nous avons beaucoup arrangé ensemble depuis mon arrivée, on passe beaucoup de temps ensemble depuis plus d’un an maintenant. Avec le temps, j’ai donc trouvé ma place petit à petit naturellement. Au début, nous nous reniflions comme des petits chatons. Aujourd’hui, nous avons fini de renifler, nous dormons dans la même panière (Rires) !
Donc, non, je ne suis pas du tout vexée que le nom du groupe n’ait pas été changé suite à mon arrivée… Le groupe est aujourd’hui une entité à part entière.
Il y avait un gap entre les goûts [de Théodora] et les nôtres que nous n’arrivions pas
toujours à résoudre. Si bien qu’on se sent plus proche de nous-mêmes
avec l’arrivée de Louise
Pour vous, qu’a changé le départ de Théodora ? Est-ce que cela a influé sur le process d’écriture ?
Clémence : Ca n’a rien changé dans notre processus de composition parce que comme l’a dit Louise, Pauline et moi avons toujours travaillé en binôme.
Après, ça nous a émues de voir à quel point Louise était faite pour nous. J’ai le sentiment que le groupe n’a jamais été aussi proche de lui-même, aussi proche que ce que nous imaginions à nos débuts.
L’aventure avec Théodora a été super mais je pense qu’elle n’avait pas pour ambition définitive de rester avec nous. Elle avait envie de se lancer dans des projets qui l’ont touchée plus personnellement. Il y avait un gap entre ses goûts et les nôtres que nous n’arrivions pas toujours à combler. Si bien qu’on se sent plus proche de nous-mêmes avec l’arrivée de Louise mais aussi celle d’un cinquième musicien qui nous aide sur scène.
On renforce les rangs, on ressoude l’équipe et aujourd’hui, on n’a jamais eu autant le sentiment d’être unies et soudées. Même si il n’y a que trois prénoms, nous sommes finalement dix avec toute l’équipe qui nous soutient.
C’est plutôt une bonne chose finalement dans un sens, sachant que ce nouvel album fait suite au premier "Please her, Please him" plutôt bien accueilli par la critique. Vous aviez besoin d’une union pour supporter la pression de ce deuxième censé être celui de la confirmation ?
Pauline : Comme le titre de ce nouvel album l’indique, tout cela est un nouveau souffle. Nous ne nous sommes pas mis de pression pour ce deuxième album qui est finalement assez différent du premier. Au contraire, sur le premier, nous étions très appliquées, nous avions peur de mal faire et pour celui-ci, on a fait abstraction de tout cela et on a décidé de faire ce que nous voulions faire et finalement, on le fait bien (Sourire).
Paradoxalement, nous étions plus libérées sur cet album que sur le premier.
Clémence : Nous avons beaucoup appris de ce premier album. Ca a été notre vraie chance. Nous avons pu voir nos limites, la nécessité d’avoir un énorme travail de préparation dont on n’avait pas conscience pour le premier album. L’exigence grandit avec la conscience de son travail. On avait envie de faire mieux, de se libérer, d’être heureuses et généreuses…
A propos de générosité, cet album sonne plus direct que son prédécesseur : sont-ce les diverses dates de concert, l’expérience de la route qui ont influencé cette orientation ou était-ce un processus naturel ?
Clémence : C’est vrai que cet album a été composé très majoritairement sur la route avec Pauline, après les concerts du premier album. On sortait de scène galvanisées et nous ressentions le besoin de nous retrouver pour composer de la musique toutes les deux. Cet album est venu ainsi.
On a constaté que ce qui pouvait être perçu comme de la froideur ou du recul était de la timidité et de l’inexpérience. On a énormément pâti de cela pour notre album. On n’arrivait pas à être dans le geste entier.
Je pense que la question cliché de chaque interview se doit d’être posée : c’est l’album de la maturité ?
Clémence : (Rires) Au contraire, je dirais que c’est plutôt l’album de l’immaturité, c’est à dire la possibilité de faire les choses juste comme elles nous viennent. On a essayé d’être le plus spontané possible c’est à dire moins se regarder travailler et se demander si ce que nous faisions allait plus plaire ou non.
Ce qu’on ressent à l’écoute de cet album, à savoir un album plus direct et spontané donc ?
Pauline : Tout à fait !
On s’enrichit musicalement et on ne peut pas clamer éternellement que
nous étions les héritières de Joan Baez, de Janis Joplin ou des Beatles
Sur le premier album, on a vu fleurir des comparaisons flatteuses comme Joan Baez, les Beatles, Bob Dylan, Janis Joplin pour le timbre éraillé de Clémence… N’avez-vous pas été tentées de reprendre les ingrédients qui ont fait le succès de "Please her, Please him" ?
Clémence : On est obligé de grandir, on ne peut pas rester sur nos acquis éternellement même si ces acquis sont manifestement fragiles.
On reste des fans éternels des Beatles mais on a aussi écouté des groupes sur la route au gré de nos rencontres. Pauline est également une personne très mélomane qui écoute énormément de musique, c’est mon Spotify personnel (Rires)… Au final, on s’enrichit musicalement et on ne peut pas clamer éternellement que nous étions les héritières de Joan Baez, de Janis Joplin ou des Beatles... Même si c’est encore le cas aujourd’hui, on a été touché par Arcade Fire, les Flaming Lips, Rover… on a été touché par plein d’artistes modernes et à qui il faut reconnaître du talent.
Votre musique est une ode à la pop anglaise et folk californienne des années 1970. Comment expliquez-vous cet engouement qui est non seulement le vôtre mais témoigne d’un vrai retour en force ?
Pauline : Pour moi, ce n’est pas vraiment un retour en force. Cette musique est juste une inspiration éternelle et intemporelle.
Clémence : Il y avait un vrai art de la chanson simple et directe.
Pensez-vous que votre musique aurait rencontré plus de succès à cette époque ?
Clémence : Je pense que monter un groupe de filles dans les années 1960 aurait été nettement plus compliqué. Aujourd’hui encore, en 2015, on nous demande encore où sont nos mecs quand nous montons sur scène. Je n’ose même pas imaginer ce qu’on nous aurait dit dans les années 1960. Mais ça aurait été vraiment couillu et je pense que ça m’aurait bien plu (Sourire) !
Quel est votre avis sur la société actuelle de surconsommation, de Mcdonaldisation musicale comme en témoigne cet exemple de certains jeunes remerciant Kenny West d’avoir permis la découverte d’un obscur artiste du nom de Paul McCartney ?
Pauline : (Rires) Cette histoire est drôle. Avec les réseaux sociaux, ils peuvent exprimer leur méconnaissance.
Malgré tout, je ne suis pas forcément d’accord avec cette idée. Certes, il y a une surconsommation de la musique -pas forcément de qualité- mais les home studios, les pro-tools… ont permis à un tas de jeunes de faire de la musique. Même s’il n’y a plus d’argent dans la musique, il y a une vraie effervescence dans ce milieu.
Clémence : Comme tout marché à potentiel lucratif, il y a eu une exploitation de la musique par des gens qui ont choisi cette voie… avec notamment encore les émissions de télé-réalité musicale. Des artistes créés par la société pour la société qui trustent toutes les places dans les médias sachant qu’une grosse partie de la population découvre encore les artistes par le biais de la télévision.
Pauline : Tu parlais de Mcdonaldisation, certes, il y a du Mcdo mais il y a également des bons restaurants. A chacun de faire son choix (Sourire) !
Nous étions dans une optique de créer un objet cohérent
Malheureusement de plus en plus de gens se tournent vers cette McDonaldisation d'une musique aussi vite oubliée qu’elle a été consommée. Quand on achetait à l’époque un album, rien qu’au regard du prix, on était obligé de lui accorder sa chance, ce qui est totalement obsolète aujourd’hui…
Pauline : Je suis totalement d’accord : plus personne n’écoute d’album…
Clémence : C’est vrai ! Je sais que quand on a écrit avec Pauline, on a passé beaucoup de temps à réfléchir à l’ordre des chansons. Nous étions dans une optique de créer un objet cohérent.
Est-ce que votre démarche qui consiste à faire plusieurs clips de tous vos titres pour former un tout va dans ce sens ?
Clémence : On a vraiment très envie de se permettre des choses avec cet album. On a accepté l’idée qu’on voulait faire un album solaire, avec de l’espoir… On a accepté le fait que les gens de notre génération étaient un peu blasés, désabusés et on est là pour dire le contraire.
Notre démarche consiste à montrer qu’on a encore plein de choses à dire et à faire et qu’on ne va pas se laisser dépasser par certaines choses comme celles que tu citais. Il y a encore plein de gens prêts à se remonter les manches, à bosser et à donner de la générosité.
On est parti pour un film de 12 vidéos en 9 jours. Certains disent que nous n’allons pas y arriver. Si on n’y arrive pas, ce n’est pas grave, on aura essayé….
De la même façon, on a fait un album qui, on l'espère, sera écouté du début à la fin. Ca touchera certaines personnes, d’autres non… mais de notre côté, on aura fait 12 morceaux auxquels on croit et on va faire en sorte de les agencer pour qu’ils se rendent services les uns aux autres. On prône cette idée de communauté dans le groupe.
En parlant de communauté, avec vos tout récents 10.000 fans sur Facebook, vous devez être rassurées dans votre démarche ?
Clémence : Ca nous fait extrêmement plaisir ! C’est vrai qu’on a l’impression d’arriver à atteindre un peu plus les gens sachant que comme on l’a évoqué par ailleurs, il semblerait qu’on avait instauré une sorte de distance inconsciente sur le premier album.
La rencontre avec Louise a été fondamentale pour arriver à trouver notre voie toutes les trois, notre unité… et aujourd’hui, on arrive à plus atteindre les gens et ces derniers le ressentent. On se dit que c’est peut-être le moment où il va se passer quelque chose parce qu’on arrive à communiquer avec eux.
Et en termes de communication, quel message souhaitez-vous faire passer ?
Clémence : C’est ce que je te disais tout à l’heure : nous ne sommes pas blasées !
Louise : Nous ne sommes pas une génération de blasés (Rires) !
Clémence : Il y a beaucoup de choses auxquelles on croit. Les gens de notre génération aussi. On sait très bien qu’il va falloir se battre. Mais je sais qu’on va y arriver et que notre génération va faire de très belles choses.
Vous avez enregistré cet album aux studios States of Ark à Londres pour retrouver l’ambiance vintage de la pop anglaise. Dans ces conditions, pourquoi ne pas être allé plus loin et directement enregistrer à Abbey Road ?
Pauline : (Rires) Pour être tout à fait franches, on a demandé mais c’est trop cher !
Beaucoup ne nous ont pas prises au sérieux parce que nous sommes trois
filles et d’ailleurs, certains ont commencé à changer d’avis et ça fait
extrêmement plaisir de prouver que nous ne sommes pas là par hasard
Quelles sont vos attentes pour cet album ?
Louise : Beaucoup d’aventures sur la route, beaucoup de concerts qui plaisent aux gens et qui touchent les gens.
Pauline : On a envie de convaincre les gens que nous ne sommes pas arrivées à convaincre sur le premier. Clairement, beaucoup ne nous ont pas prises au sérieux parce que nous sommes trois filles et d’ailleurs, certains ont commencé à changer d’avis et ça fait extrêmement plaisir de prouver que nous ne sommes pas là par hasard.
A ce propos, vous allez faire l’ouverture des Francofolies sur la grande scène. Quel est votre sentiment ?
Pauline : C’est énorme !
Clémence : Ca fait énormément plaisir parce que c’est un festival qu’on aime beaucoup. Nous y avons joué à nos tous débuts, on a croisé les stars qui jouaient sur la grande scène et aujourd’hui, on ouvre pour le festival 2015… On a hurlé de joie quand on l’a appris mais en même temps, c’est la pression (Sourire) !
On a commencé cette interview par la question qu’on vous a trop souvent posée, au contraire, quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ?
Clémence : Qu’est-ce que ça fait d’avoir trois Grammys (Rires) ?
Et alors ?
Clémence : Je ne sais pas, je te le dirai lorsque je les aurai (Rires).
Louise : Le Grammy sera pour le troisième.
Clémence : Repose-moi la question dans deux ans alors. Louise a un côté médium (Rires) !
Merci beaucoup
Théodore, Paul & Gabriel : Merci à toi…