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TITRE:

BEN MAZUE (09 OCTOBRE 2014)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

POP



Music Waves a rencontré Ben Mazué pour une interview à "coeur ouvert" de cet ancien médecin qui fait voler en éclat les clichés de la chanson française en prouvant qu'elle ne se résume pas à jouer de la guitare acoustique avec une pipe et une moustache...
STRUCK - 07.11.2014 -
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Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée ?

Ben Mazué : Hum, quel est mon style de musique… On me l’a très souvent posée mais pas trop souvent… Trop souvent reviendrait à dire que je commencerais à trouver ça pénible. C’était le cas auparavant parce que je ne savais pas y répondre mais maintenant que je le sais, ça ne me dérange plus du tout !


Ton actu est ce deuxième album "33  ans", avais-tu une pression particulière au moment de le composer ?

Pas du tout ! Je n’avais aucune pression parce que c’était la première fois que je faisais un vrai album. Le précédent a été fait à l’issue d’une tournée. J’ai commencé par faire de la scène, j’ai été repéré par Columbia qui m’a signé pour faire un album du coup, le choix des morceaux était évident : c’était ceux que j’avais joués sur scène. Ma première sortie était une sorte de best-of de ce que j’avais pu faire avant.


Mais n’as-tu pas ressenti une pression liée à la feuille blanche et à une façon de travailler différente et traditionnelle, c'est à dire studio puis scène ?

Je n’ai pas ressenti de pression dans le sens négatif du terme, au contraire, c’était de l’excitation. Ça m’excitait de partir sur un album que je composais avec plus de cohérence. Ça m’excitait de réfléchir comment j’allais m’inspirer : je suis parti au Québec, au Japon, je me suis enfermé dans la maison de mes parents en mode monacal pendant un certain temps… Je pense que la pression dont tu parles, on la ressent une fois qu’on a eu un grand succès.




Cette pression sera donc pour le prochain album. 33 ans pour beaucoup c’est l’âge du Christ, pour toi, c’est quoi ?


(Rires) En fait, dans l’album, il y a plusieurs portraits de personnes et au lieu de leur donner des noms, j’ai donné leur âge parce que ce sont des moments de la vie qui sont marquants. Du coup, au lieu de donner mon nom, j’ai donné mon âge.

Au-delà des portraits qu’il y a sur cet album, le reste est composé de morceaux extrêmement intimes et personnels, de ce qui a pu m’arriver ces deux dernières années, des choses dont je me rappellerai toute ma vie, de cet âge où j’ai eu mon premier enfant, j’ai perdu un de mes parents. J’ai trouvé intéressant de rendre cohérente l’idée des âges qui sont des poésies.


Pour en revenir à la pression, n’as-tu pas peur de ne pas être aussi inspiré pour le prochain album ?


Je n’ai pas du tout peur. Au contraire, j’ai assez confiance dans la suite des opérations. Je pense qu’avoir conscience de sa mort, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on est plus jeune, m’a permis d’aller vers ce cheminement qui consiste à dire qu’il est temps d’arrêter d’essayer de réussir quelque chose au prix d’effort et de sacrifice et au contraire, commencer à profiter.

Cette manière de penser m’a permis d’avoir nettement plus confiance en l’avenir et donc dans l’affirmation et la façon d’être inspiré. Et si jamais, ça ne vient pas, ça ne vient pas : je ferai autre chose, ce n’est pas grave (Sourire) ! Mais c’est vrai qu’au niveau émotionnel, je pense que j’ai vécu le top.


Dans cet album, outre cet âge charnière à la croisée des chemins entre vie et mort, tu évoques justement d’autres époques de la vie comme l’adolescence et la première fois (14 ans), l’invulnérabilité de la vingtaine (25 ans) et cette fameuse trentaine (35 ans). En revanche, comment t’es-tu projeté sur l’âge à l'aube de la retraite (54 ans) et de la sagesse (73 ans) : ne sont-ils pas fantasmés et penses-tu évoluer ainsi plus tard ?

Je n’ai pas du tout l’impression de me décrire plus tard. J’ai l’impression de décrire d’autres personnes y compris dans les âges précédents, des personnes pour qui j’ai beaucoup d’empathie, que je comprends, que j’aime, mais ce n’est pas moi.

J’ai écris '54 ans' pendant que j’étais chez mes parents. Je parlais pas mal avec mon père qui a plutôt 70 ans et qui n’a jamais autant travaillé qu’actuellement. On se disait que travailler voulait tout dire et rien dire en même temps mais surtout que le mot "retraite" était catastrophique. Ça signifie "en retrait" et donc une inutilité sociale qu’on trouvait assez dangereux. Et on se disait qu’il fallait trouver un terme signifiant qu’on n’avait plus l’obligation financière d’avoir une activité. Et comme j’avais déjà écrit '14', '25' et '35', je me suis dit que je pouvais parler de ça. Ce n’est pas un thème très glamour, c’est un thème de manifestation plutôt que de chanson mais je me disais qu’il fallait parler de ces gens qui sont démunis à l’aube de leur retraire, surtout celles anticipées qui sont très particulières. Et '73 ans', c’est effectivement l’âge de la sagesse mais le bonhomme est tout sauf sage. Il est hyper radical, il parle vite comme un jeune radical, énervé. Je trouvais ça amusant de lui faire dire tout ça.


Tu parlais d’empathie pour tous tes personnages de différents âges. Ce sont des personnages réels ?

C’est un patchwork de personnes qui existent.


La question qui en découle, c'est de savoir si les personnes qui existent se sont retrouvées dans tes chansons ?


J’ai bien fait attention à ce que personne ne puisse se retrouver. Notamment '35 ans' qui est une chanson sur une fille malheureuse de sa condition qui est en descente de drogue ce qui lui procure beaucoup d’euphorie mais aussi beaucoup de tristesse. Je pense qu’il y a pas mal de moi dans '25 ans' : cette espèce de mec un peu gonflé qui a des théories sur tout… '54 ans', je l’ai complètement inventé parce que je voulais évoquer ce thème. '73 ans', il y a une partie de personnes que je connais bien… Quand on créé des personnages, on va chercher à droite à gauche pour en faire quelqu'un qui ressemble finalement un peu à tout le monde.



"En signant dans une maison de disques, on se met une pression qui est incompatible avec le concept de jouer de la musique."



Cet album marque la collaboration avec Medi connu justement pour son travail avec Charlie Winston que nous venons de croiser, peux-tu nous parler de cette rencontre ?

Medi avait travaillé avec Charlie Winston. Je trouve que ce que fait Charlie est extrêmement bien fait mais ce n’est pas du tout ma musique. Je ne voyais pas trop ce que je pouvais faire avec Medi. Je suis allé à Nice chez mes parents et le directeur artistique qui m’a aidé sur cet album m'a dit d’aller voir Medi. Je rencontre un mec adorable, d’une gentillesse et d’une douceur assez exceptionnelle… et surtout d’une légèreté... J’avais besoin de ça !

En signant d’un coup dans une maison de disques, on se met une pression qui est incompatible avec le concept de jouer de la musique. On parle de travailler, de labeur… Cette période a duré un certain temps et j’ai rencontré Medi qui ne dit jamais "travailler"… Avec lui, on va jouer de la musique. Il a l’air d’un rockeur des années 1970 et il est sublime : c’est Jésus Christ (Rires) !

Même si je suis né à Nice, je connais très mal cette ville... Je l’ai découverte et je l’ai adorée alors que je venais d’y vivre des moments extrêmement tragiques dans ma vie personnelle. Je ressentais l’onde maternelle et en même temps, je ressentais quelque chose de très léger et d'agréable avec ce type. On entre en studio et je lui joue 'Vivant', la chanson sur ma mère. Il y avait des problèmes d’équilibre pour plein de raisons sur la chanson. Il me dit d’attendre un peu, il joue de la batterie et de la basse, il enregistre le truc avec son pote Franck. Il me fait écouter et le résultat est exactement ce que je voulais à savoir cette espèce de profondeur de beat, quelque chose qui vient de la soul, qui vient du hip-hop que je voulais entendre. J’ai totalement adoré. Dès lors, je lui ai demandé si on pouvait faire l’album ensemble. Il a accepté et je suis retourné trois jours par semaine à Nice pour enregistrer cet album et depuis, j’adore Nice (Sourire)…


Il y a bien évidemment ce titre marquant qu’est 'Vivant' vibrant hommage à ta mère. Peut-on dire que ce titre est le point d’ancrage de cet album ? Penses-tu qu’il soit nécessaire de passer par des moments douloureux pour pouvoir composer des titres qui véhiculent une émotion forte ?


Oui ! Je pense qu’il faut vivre des moments très douloureux pour faire des chansons poignantes. C’est du moins mon cas, vu que je ne parle que d’émotions qui m’ont traversées. Après je ne trouve pas ce morceau douloureux, il est même très réjouissant puisqu'il parle de ma mère qui restera toujours vivante parce qu'elle est en moi. Ce n'est pas seulement de la tristesse, c'est aussi une responsabilité de maintenir sa mémoire.





Outre ce travail avec Medi, cet album est également marqué par la collaboration avec Guillaume Poncelet connu pour sa coopération avec Ben Oncle Soul, est-ce que cela explique la couleur soul de cet album ?

J’imagine que oui et ce n’est pas anodin. J’ai pris Guillaume pour sa collaboration avec Gaël Faye qui parle beaucoup de lui dans son album dont j’ai beaucoup aimé les instrumentations. Je suis allé le voir en lui disant que j’avais écrit des poèmes sans musique, sans tempo, pas de rime… Il a répondu que c’était pour lui (Sourire) ! On a essayé de voir comment varier la musique autour de ces poèmes et je trouve que ça a super bien marché, que la façon dont il les a habillés est magnifique.

Ce n’est pas du tout le même type de musicien que Medi. Ce sont deux surdoués mais l’un est rock’n’roll, cheveux longs, marchant au feeling et l’autre est plus académique, premier de toutes les écoles dans lesquelles il est passé… Avec Medi, on était trois -avec son pote Franck-, c’était intime. Avec Guillaume, il n’y avait pas du tout d’intimité, en studio, il y avait des cuivres, des cordes, des percussions, des partitions, des gens de partout…


"Mon parcours, c’est la chanson française. Et si pour une partie du public, chanter en français se résume à jouer de la guitare acoustique avec une pipe et une moustache, ce n’est pas mon cas !"



Dans ton premier album, il y avait ce titre 'Confession d’un rap addict', la question est évidente à l’écoute de cet album : soul / rap / slam / chanson française dans le sens noble du terme… de qui te sens-tu le plus proche ?

La chanson française complètement ! J’ai mis un peu de temps à le formuler mais ma musique est de la chanson française c’est à dire qu’il y a des influences musicales qui viennent de certaines chapelles soul, hip hop… mais toujours dans l'idée de raconter des histoires.

Je pense que c’est une question de parcours, j'ai toujours joué sur des scènes dédiées à la chanson française. Je suis convaincu que je viens de ce creuset. Par ailleurs, j’ai participé à des festivals, des ateliers d’écritures de slam. Mon parcours, c’est donc la chanson française. Et si pour une partie du public chanter en Français se résume à jouer de la guitare acoustique avec une pipe et une moustache, ce n’est pas mon cas (Rire) !


Tu as opté pour la musique plutôt que la médecine. Crois-tu que malgré tout, l’écoute de "33 ans", véritable voyage à travers les âges d’une vie, soit source de guérison ou à défaut de bien être ?

J'ai choisi la musique après la médecine comme on peut choisir de vivre plusieurs aventures dans une vie. Je suis allé au bout de mon aventure dans la médecine qui a duré dix ans et qui m’a permis de rencontrer des gens que je n’aurais vraisemblablement pas rencontré dans d’autres conditions. La musique est une autre aventure et je ne mets pas de soins dans la manière de faire la musique, je mets de la créativité… Je mets tout ce qui me manquait quand j’étais médecin parce qu’il n’y a pas de créativité en médecine. Il y a de l’empathie, de l’enquête mais pas de créativité…


La question de la médecine semble te toucher…

Oui tout à fait…


As-tu arrêté parce que tu n’étais plus en phase avec la mentalité ?

J’étais très en phase. J’ai juste décidé de prendre une nouvelle route qui palliait à ce manque de créativité. J’ai ouvert cette parenthèse qui se refermera j’espère plus tard pour une autre aventure…



"Aujourd’hui, la musique se regarde beaucoup plus qu’elle ne s’écoute"


Cet album est également remarqué par ces vidéos réalisées avec l’aide notamment de Bruno Muschio connu pour son travail sur la série "Bref". Quel est ton rapport avec l’image, penses-tu qu’en cette période sombre de la musique, cet élément est primordial pour sortir du lot, pour exister ?


Je ne sais pas parce que je ne sais pas exactement ce qu’il faut faire pour sortir du lot et j’ai envie de dire que ce n’est pas mon métier. Ce qui me paraît évident c’est qu’aujourd’hui la musique se regarde beaucoup plus qu’elle ne s’écoute. On le constate rien que par le fait d'être souvent face à un écran quand on écoute sa musique. Ça peut être super riche artistiquement ! J’ai essayé de tirer sur ce cordon au maximum avec mes idées et mes principes mais je débute…


Tu regrettes déjà certaines décisions prises sur les images ?

Oui, je trouve qu’il y a des choses qui ne marchent pas super bien et j’aurais peut-être fait autrement si j’avais su et si j’avais eu cette expérience. Faire des images qui collent à de la musique, c’est très particulier et certains le font très bien : Stromae par exemple…


Qu’attends-tu de cet album ?

J’attends de pouvoir le défendre sur scène…  J’ai écrit un spectacle en rapport avec cet album, un spectacle de conteur où il n’y a pas de micro, ni tout l’arsenal d’un concert… Juste une proximité.


Comment expliques-tu ce soutien de Columbia ?


Comment j’explique ça ? Ils sont fous (Rires) ! Dès le départ, quand ils m’ont proposé d’être partenaire, on avait la même vision de ce projet. On a pas dévié et c’est donc normal qu’ils continuent à me soutenir. Par ailleurs, je ne suis pas de nature conflictuelle, j’ai donc toujours essayé, vis à vis de Columbia, d’être dans un contexte d’encouragement. C’est le message qui me paraît le plus convaincant et jusqu’à présent, ça fonctionne très bien.


Et le fait de vivre ces journées promo avec l’appui de Columbia justement ?

C’est super de pouvoir le défendre avec des gens qui savent le faire. Autant avec ma précédente sortie, c'était très compliqué et j'avais du mal à en parler autant je suis intarissable sur ce nouvel album (Sourire) !


Question traditionnelle du site, quel est ton meilleur souvenir d’artiste ?

Je pense que c’est le mariage de ma sœur où j’ai joué une chanson que j’avais écrite pour l’occasion : c’était extraordinaire (Sourire) !


Tu assimiles cette expérience comme une expérience de musicien plutôt que d’ordre privé ?

De toute façon, tout se confond ! C’était extraordinaire à quel point ça a marqué les gens présents ! Nous étions tous en communion... C’était dans un endroit magnifique pour quelqu’un qui compte pour moi !


Tu as évoqué ton meilleur souvenir, au contraire, quel serait le pire ?


C’était dans une salle qui s’appelle le Chabada à Angers. Il y avait beaucoup de personnes notamment des décideurs… Bref, il ne fallait pas manquer ce concert. Et dès le premier morceau, j’ai eu des avaries techniques majeures qui ont provoqué un arrêt de plus de vingt minutes. C’était très pénible et il a fallu finir le spectacle dans ces conditions avec le sourire. 





Malgré tout, c’est une expérience qui sert quand on est confronté à des problèmes techniques à l’avenir…

Tout à fait et ça m’a servi d’ailleurs. J’ai eu notamment une attitude différente lorsque j’ai connu des problèmes de ce type par la suite. Un souvenir désagréable et drôle à la fois :  Une fois, mon guitariste de l’époque a du jouer sur scène avec une grosse gastro ... Il devait sortir régulièrement entre les morceaux (sourire).


On a commencé cette interview par la question qu’on t’a trop souvent posée. Au contraire, quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ?


Hum… J’aimerais dire qu’on m’a posé des questions qui dépassent largement le cadre de mes espérances.


Preuve de l’engouement que suscite cet album…

Certainement mais aussi la qualité des journalistes y compris Music Waves : c’est super agréable quand je sens que l’interview a été travaillée… Et le journaliste a une manière à la fois synthétique et communicante d’expliquer un album et souvent, il l’explique mieux que l’artiste lui-même. 


Avant de se quitter, un dernier mot aux lecteurs de Music Waves ?

Je leur dirais d'écouter la musique et de relire l'interview. Comme on a énormément parlé des morceaux, ils trouveront ça beaucoup plus intéressant.


Merci beaucoup.

Merci à toi !



Plus d'informations sur http://www.benmazue.com/
 
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